EDITORIAL de JUILLET 2006
Les plus vieux fidèles d'entre vous se souviennent
peut-être, il y a une petite poignée d'années, ce
site avait dressé la liste des acteurs ayant couru à Hollywood
y chercher... quelque chose. Et bien aujourd'hui, moins informellement,
nous allons étudier le phénomène des "réalisateurs
français à Hollywood".
Si le phénomène en question ne date pas d'hier, celui-ci
prend de bien plus grosses proportions depuis les années 90.
Pourquoi ? Au delà des questions hautement pécunières
(les budgets américains étant près de 10 fois plus
élevés, je vous laisse faire le calcul en ce qui concerne
les salaires des réalisateurs...), de la simple curiosité
artistique (les méthodes de travail -surtout à Hollywood-
différent), de l'opportunité de voir son film distribué
à une plus grande échelle (les films français n'atteignent
que très, très rarement les 1 000 copies alors qu'un blockbuster
peut en squatter près de 4 000), de pouvoir travailler avec des
artistes locaux souvent intouchables autrement (quel acteur américain
est venu en France pour faire un film ? Ils sont rares et ne font que
des featuring ; comme Stallone), derrière tous celà et
bien plus encore, il y a quelque chose de plus fort... La mondialisation
-au sens noble du terme- du cinéma. Les films français
s'exportent de mieux en mieux et percent à Hollywood, le cinéma
italien dévore King Kong et Harry Potter, le monopole américain
flanche un peu et les frontières US sont de plus en plus perméables
aux talents étrangers.
Donnons un petit aperçu historique du phénomène
car, bien avant Kassovitz, Jeunet,
Pitoff, Richet, Aja,
Siri ou encore Assayas,
d'autres réalisateurs ont fréquenté le tout hollywood...
beaucoup se sont cassés les dents. Avant les succès au
box-office nord-américain de Gothika
et La colline a des yeux, tout n'a pas toujours été
rose...Demandez à Francis Veber
!!! La conquète du territoire US a débuté très
tôt, on peut même remontée à la période
du muet : la première réalisatrice, Alice
Guy-Blaché, dont on parlait encore récemment, est
bel et bien française mais a effectué le plus gros de
sa carrière aux USA (dès 1911) ; inversemment proportionnelle,
la carrière du grand Max Linder
s'est achevée aux USA et celle d'Emile
Cohl y fut très brêve. Depuis de grands noms du cinéma
français sont passés par la case "Hollywood"
: de Duvivier à L.
Malle en passant par Polanski, Verneuil,
Truffaut, Ophuls,
Allégret, Renoir...
Certains y ont achevé leur carrière (Vadim),
d'autres y ont passé plus ou moins de temps (René
Clair y est resté 10 ans, Maurice
Tourneur 13 ans, son fils Jacques
y a passé presque toute sa vie), d'autre encore en ont fait une
seconde patrie (Schroeder). Attention
! La plupart des réalisateurs français n'ont jamais été
tenté par l'aventure américaine et, parmi ceux, plus rares,
qui ont franchi le pas, nombre d'entre eux le firent par obligation
: celle de la Seconde Guerre Mondiale (Dassin
-qui y a fait presque toute sa carrière-, Renoir,
Clair...). Autre phénomène
: généralement, les oeuvres américaines de nos
compatriotes sont, une fois sur les écrans français, soit
boudés par les distributeurs, critiques et autres spectateurs
un peu trop farouchement nationalistes (retour à l'envoyeur...),
soit d'une bien piètre qualité, et ceci en toute objectivité
(qui a dit "Catwoman" ?).
Il n'empêche que, parmi la jeune génération de réalisateurs
qui franchisse l'Atlantique, les résultats sont globalement bons,
certains y prennent goût (Aja a 2 projets
américains, Siri est encore courtisé)
et leur nombre va croissant depuis que Costa-Gravas
ou Jean-Jacques Annaud leur a montré
la voie (son expérience en IMAX, puis 7 ans au Tibet
et la co-production Stalingrad). Toujours est-il qu'entre
manque de proposition et résistance infantile, nombre de frenchies
ont résisté aux sirènes : Besson
s'est monté un studio à lui tout seul pour faire "comme
si", Chabat n'a pas eu les garantis
nécessaires à sa liberté artistique, De
Broca a trouvé tous les moyens nécessaires à
ses délires en France, nos auteurs restent trop attachés
à leur exception culturelle, d'autres ont préféré
montrer leurs influences américaines dans leur propre cinéma
(Melville, Tati),
d'autres encore ont préféré l'Angleterre (Demy,
Feyder) et puis, dans les années
60 la mode était plus tourné vers la co-production avec
l'Italie ou l'Allemagne, et puis, faute d'obtenir LE réalisateur
les producteurs américains joue souvent la carte du "remake"
(un futur édito ?)... Enfin, parmi tous les auteurs sus-cités
on ne trouve pas de spécialistes de la comédie (à
part Veber...) car l'humour ne s'exporte
que très mal. Autant de plus ou moins bonnes raisons de rester
chez soi.
Alors rêvons un peu : imaginons le monde demain,
sans ces foutues frontières géopolitiques, sans ces foutues
nationalités (que les nombreuses co-productions effacent peu
à peu au point où l'on se demande de quelle pays vient
un Silent Hill ; génial !), un monde où
les cinéastes iraient où bon leur semble, où les
films seraient distribués équitablement... ben ouais...