La vie d'un homme, de même que celle de son invention, se construit autour... d'autres personnes
Je l'avoue bien bas, j'ai eu du mal à me glisser dans la peau d'Oppenheimer : la faute à trois premiers quart d'heure peu efficaces qui auraient grandement gagné à être condensés, les idées se répétant tout au long du film ; on assiste à un biopic -ce que le film n'est pas forcément- morcellé mais entièrement dévoué à cerner tous les contours de son personage central. Ses talents et ses travers, ses ambiguités et son génie, ses failles et sa part d'humanité ; toujours selon deux points de vue différents (l'alternance de couleur et de noir & blanc - Oppenheimer / Strauss). Les débuts du projet Manhattan lance véritablement le film qui trouve enfin son "la".
De même le montage fait enfin son oeuvre et fait sens, Nolan prend l'oeuvre à bras le corps, même si sa réalisation paraît moins élaborée qu'à l'accoutumée : ce n'est ni un film d'aventure ni un film d'action à proprement parler, mais une œuvre plus intimiste, et sans doute que l'auteur est moins à l'aise avec ce cadre plus restreint. Cependant, pour ce qui est du scénario, celui-ci joue encore plus subtilement avec la chronologie ("chronologique" cette fois) afin de mettre en lumière chaque idée à travers des appréciations différentes, voir divergentes, qui éclairent les thèmes du film à bien des niveaux. Moral, historique, humain...etc.
Oppenheimer est une oeuvre formidablement dense, précise, fournie et édifiante, traversée de grandes scènes (le terrible 1er essai nucléaire, la terrifiante réunion décidant du choix de la cible, l'entretien éloquent avec Hoover, les rares séquences avec Einstein...) qui, si elles ne peuvent surprendre un spectateur déjà bien infiormé, lui donne un nouvel éclat dans le contexte actuel, un rappel essentiel, en définissant remarquablement bien le contexte politique, géopolitique et scientifique d'alors. C'est alors que la morale imprégne le film, interrogeant les responsabilités humaines de nos actes et surtout sur la fragilité de la science, cachée derrière une toute-puissance quasi divine mais apparente et dont les réussites d'un jour sont les échecs (humains) de demain.... en posant toutefois la question de prendre la mesure de cet échec (la course à l'armement a-t-elle contribué à la paix mondiale ?).
Mes lecteurs savent à quel point j'admire le travail de L. Görranson : si je comprends la portée de sa composition sur Oppenheimer (retranscrire une atmosphère apocalyptique en devenir) je trouve qu'il manque parfois de subtilité et devient parfois proprement assourdissant voir inaudible.
Soulignons enfin deux éléments essentiels du film : la partition des
acteurs / actrices, parmi lesquelles la grande finesse de jeu de C. Murphy et le côté "Stanley Tucci" du décidément surprenant Robert Downey Jr. Ainsi que le travail extraordinaire et remarquable sur la bande son (entendre jusqu'aux fauteuils craquer...) qui caractérise ce qui pourrait être un condensé de l'oeuvre du maitre à travers ses exigences et sa méthodologie propre.
Une réussite, mais assurément pas le meilleur de son auteur...