Formellement ébouriffant, Blonde n'est
jamais un simple exercice de style.
A l'image de ces images d'une profondeur rare, aux choix d'une
mise en scène ambitieuse et judicieuse ; comme ses couleurs
qui ramènent inlassablement Norma Jeane à son
passé, à sa mère.
Après son introduction puissante comme une hallucination,
Blonde devient le récit d'une jeune
femme qui n'a pas eu l'enfance qu'elle méritait, d'une
femme abandonnée de tous qui se réfugie dans la
gloire, la reconnaissance et l'amour illusoire, le récit
d'une femme objet, manipulée, d'une femme fragile à
la larme facile ; tellement facile qu'il n'y a pas une seule
séquence non-lacrymale dans le film...
Blonde est également un tourbillon de
violence : maternelle puis sexuelle, de violences envers une
enfant, une femme, la violence de la vie et de la mort, la violence
de cet amour qui n'en n'est pas un, de cet amour reporté.
La violence d'une vie éternellement insatisfaite, faite
de faux-semblant, de mensonges et d'illusions.
L'histoire d'une femme à la recherche d'un père
dans chaque homme (qu'elle nomme "papa"), à
la recherche d'une grossesse qui puisse exorciser son enfance
malheureuse ; une femme cultivée, fondamentalement gentille,
à la bonté incarnée, et non pas une enfant
dans un corps de femme, une douce ingénue comme on a
trop souvent tenté de nous le faire croire. Un personnage
tellement plus complexe que ce à quoi l'on s'attendait.
Blonde nous propose un voyage au plus profond
d'un être humain, sans doute à la recherche de
son âme, tout du moins de son Moi, à travers le
récit de son existence, que les auteurs métamorphosent
en cauchemar. Blonde met un point d'honneur
à désacraliser une star trop parfaite à
l'image, trop douce, trop tiède, un personnage créé
de toutes pièces mais qui pourrit la vie de sa matrice,
l'efface et finalement la détruit. Blonde
est un biopic disgressif qui a cependant tendance à étirer
inutilement ses scènes mais qui joue avec une autre notion
du "réalisme" : le réalisme psychologique.
Sans tabou aucun.
Tout cela est divinement magnifié par l'extraordinaire
composition musicale de N. Cave / W. Ellis : ainsi les dernières
images persistent en nos yeux et nos oreilles, et le film en
nos sens.