Euphorisant : Elvis gagne en originalité
ce qu'il perd en didactisme. L'originalité ? La vie d'Elvis
Presley racontée par son truculent impresario.
En tous les cas on retrouve certains marqueurs visuels : ceux
de la réalisation toujours aussi ébouriffante
de Baz, un pur feu d'artifice cinématographique qui use
de toutes les ingéniosités et de toutes les folies
graphiques, en passant par un montage très cut et savammant
dosé autant que de split screen et d'anachronismes musicaux.
Et cela donne évidemment une oeuvre qui swingue, tonitruante
à l'image de la vie du King, rock n' roll, définitivement
pétillante, en forme de tourbillon d'image et de sons
; et ça fonctionne à 100% dès l'apparition
de A. Butler car l'acteur effectue ce que l'on peut appeler
une performance
Côté scénario il ne faut -heureusement-
pas s'attendre à un simple déroulé chronologique
sans saveur mais à une oeuvre à thèmes.
Nous présentant en parallèle un faiseur de tubes
au génie universel et intemporel, plus grand vendeur
de disque de l'histoire en tant que chanteur, et un faiseur
de succès et exploiteur (dont l'allure tient plus du
Pingouin que du producteur à cigare...), inventeurs du
merchandising et, accessoirement, de l'extorsion d'artistes
à des fins purement commerciales. Loin d'être une
simple success story sans âme, Elvis
démontre que, derrière un prodige créatif
il y avait un homme qui allait devoir lutter toute sa vie pour
être lui même, pour sa liberté ; derrière
l'image du rebelle il y avait un personnage complexe et complexé,
derrière un artiste intègre planait l'ombre d'un
personnage méconnu qui allait souffler le chaud et le
froid sur sa carrière.
Elvis est également, discrètement,
un film social : l'histoire d'un homme qui traverse une Amérique
malade qui voit ses grands hommes de paix assassinés
un à un. Presley, plus qu'un simple chanteur inspiré,
étant le symbole d'un pays qui pouvait espérer
trouver à nouveau un socle commun entre tous ses citoyens,
qu'importe la couleur de leur peau ; la réunion de l'Amérique
noire et de l'Amérique blanche d'alors, derrière
un langage universel : celui de la musique. Magnifique melting
pot culturel mêlant les influences et se les appropriant
afin de créer quelque chose d'à la fois nouveau
et auquel tout un chacun pouvait légitimement s'identifier.
Frustrant ? Oui car sur le fond ça reste sage, propre,
flashy et ça manque quand même un peu d'émotions
véritables (les dernières images d'archives sont
très émouvantes), élaguant quelque peu
la lente déchéance du monstre sacré et
sa mort sujette à polémiques. Pas un mot sur l'expression
connue de tous, "The King", pas de révélation
sur le personnage central (et le passé) du colonel ;
pas tellement plus sur ses relations avec sa femme et sa fille...
Frustrant.