Vivre le drame de la maladie d'alzheimer : ou comment faire
perdre au spectateur cette notion de "réel",
de la même façon que le vivent les personnes atteintes
de cette affection ? The father va répondre
à cette interrogation de façon confondante.
C'est une œuvre parfaitement documentée mais qui
ne se contente pas d'être didactique, nous laissant pénétrer
dans le cerveau de ce héros défaillant ; toujours
intelligent mais simplement défaillant. On en ressort
troublé, bouleversé de se voir imposer ce statut
maladif, égaré. Depuis la perte des repères,
de la notion même de réalité, jusqu'à
l'égarement de la mémoire visuelle au sens le
plus stricte du terme ; visages, temporalité, décors
-mon Dieu LES décors !- se diluent dans la souffrance
maladive, la compréhension du monde physique devenant
tout autre. Un labyrinthe mnémonique effrayant, glaçant,
incompréhensible se crée alors et nous happe sans
ne jamais nous lâcher, effaçant, créant,
recréant, transformant la réalité de la
personne atteinte par Alzheimer. Et la nôtre par pure
extension. Un choc dans lequel il va nous falloir démêler
le vrai du faux...
Le film explore en parallèle le thème de la famille
: ce père qui s'égare totalement dans ce labyrinthe,
et tout autant sa famille qui se "perd" au contact
de la maladie, comme si la déliquescence du malade déteignaient
sur son environnement immédiat.
Je suis complètement bluffé par la minutie de
F. Zeller qui met réellement de la vie dans ses images,
ne se contentant jamais d'être un simple et fade témoin,
il accompagne ses comédiens, adoptant le point de vue
de Hopkins. Son travail de réalisation est effarant,
huis clos immersif et absolument redoutable.
Anthony Hopkins est stupéfiant de justesse, jamais un
ton au-dessus ni en-dessous, faisant comprendre au spectateur
toute la subtilité immonde de cette saleté de
maladie. Brillant. Éloquent
The father vous interpelle immanquablement,
vous égarant dans les méandres d'un esprit grabataire,
réussissant un pari incroyable : faire comprendre les
symptômes d'un mal, la souffrance d'un patient, en se
mettant littéralement à la place de la "victime".
Génial. Profondément touchant.