Tout en saluant évidemment la prouesse technique du
film -un faux plan séquence de près de 2 heures
; avec une coupure nette toutefois-, reste à comprendre
ce qui justifie ce choix audacieux de la part du réalisateur.
Deux heures de la vie de deux soldats lors d'une mission qui
pourrait sauver la vie de centaines de leurs compatriotes. Ce
plan sans coupe permet très clairement de se focaliser
sur un seul point de vue, celui du héros / des héros,
et d'être littéralement happé par l'action.
C'est aussi immersif qu'un jeu vidéo, créant une
forme de suspens assez inédite au cinéma : on
n'ose même plus cligner des yeux, ce que permet les coupes
franches, et on se prend chaque scène en pleine figure
; j'avoue pour ma part un énorme sursaut lors d'une séquence
en particulier, alors que je suis usuellement anesthésié
par les jump scares. Mais il faut bien se dire que tout cela
n'empêche nullement le travail du réalisateur qui,
loin du simple plan long, offre un regard unique sur la guerre,
réfléchit sur sa mise en scène de la manière
la plus élaborée qui soit, plus excitante à
la vue des contraintes techniques qui étaient siennes.
Le résultat est effectivement intense, remuant, ébouriffant,
explosif et grandiose.
Ce travail ne serait qu'assez vain sans une musique aux accents
souvent tribaux, parfois mélodiques qui assoit le statut
du film ; difficile également de passer à côté
de la beauté époustouflante de certaines images,
notamment cette scéne noctambule avec un rendu nuit /
feu du plus belle effet. Spectaculaire.
Aucun doute que ce choix artistique est mû par un gain
en intensité : avec toutefois certaines limites. Car
le film s'en trouve être plus une expérience filmique
et cinématographique qu'un objet scénaristique
historique, voir un drame humain (l'histoire du frangin reste
prétexte et fragile). 1917 lorgne clairement
du côté du pur spectacle, affichant sans gêne
son statut de "film d'action" à la fois dans
son schéma événementiel (peu d'hommes ont
vécu 2 heures de vie aussi intense en émotion
et en action !!), très cinégénique, et
dans son principe d'alternance parfois trop rébarbatif,
en tous les cas limitatif. Comme s'il existait une profonde
dichotomie entre le fond et la forme : le réalisme visuelle
et affichée de l'oeuvre le dispute à une histoire
guère historique et, de toutes façons, peu crédible
sur le temps imparti du film. Hyper efficace mais guère
plausible.