(Petits spoilers dans la description
de certaines scènes, importantes pour comprendre les allégories
du film)
Voici une œuvre au scénario des plus habiles, entre
comédie sociale et thriller, optant pour un discours
brillant sur la Corée du Sud et, sans doute et par extension,
sur les pays riches et industrialisés. Sa réussite
tient dans son équilibre impeccable, son scénario
très fluide magnifié par un auteur parfaitement
inspiré derrière la caméra.
Ce film est l'histoire d'un basculement inexorable, centré
autour d'une arnaque grandeur nature, dans un un monde qui,
pourtant, se refuse à changer. Ses héros sont
en fait des anti-héros qui picorent ce qu'ils peuvent
sur le dos d'une société qui ne veut pas d'eux
: ils représentent les parasites des plus riches. Depuis
l'art de la démerde, plutôt réussi, jusqu'en
ce grain de sable où la pauvreté se verra confrontée
à une autre pauvreté ; jusqu'à l'éclatement
final et pas très loin d'être horrifique.
Impossible de passer à côté de cette réalisation
nuancée et d'une profondeur intense, d'une finesse sans
faille : en témoigne les subtils zooms avant lors des
scènes dialoguées, ou les points de vue variés
que nous offre une caméra presque indécente. Elle
fera de ce quasi huit-clos une oeuvre symbolique à bien
des niveaux : la maison n'étant qu'une image, une métaphore
constante de la société coréenne où
les plus démunis luttent pour survivre, à leur
niveau, quitte à devenir des hors-la-loi. Les nantis
sont les propriétaires des richesses, au sommet de la
pyramide sociétale ; les nécessiteux sont à
leur services, restant pour le moins en bas (dans tous les sens
du terme...) de cet échafaudage anthropologique. D'ailleurs
plusieurs séquences vont formidablement symboliser cette
bi-polarité sociale : celle où les parasites vont
se retrouver sous la table, les riches sur le canapé,
semble vouloir traiter de cette thématique avec un humour
pour le moins corrosif. Celle où l'inondation ne nuit
qu'aux indigents, l'eau ne faisant que descendre vers les quartiers
pauvres, au bas de la ville, et détruire le peu que ceux-ci
possèdent. De même l'ascension finale et faussement
réussie ne sera qu'une double illusion : l'ascension
de la colline permettra enfin de surplomber la maison et ses
riches habitants. Le rêve d'ascension sociale ne sera
que le symbole ultime d'un film absolument pessimiste sur un
monde sclérosé et impassible.
Parasite dénonce avec virulence, violence,
une société terriblement horizontale : il ne s'en
tient pas uniquement et basiquement à la critique des
travers de nos nouveaux bourgeois issus d'une société
au capitalisme extrême ; leur monde lisse, propre, sans
maux apparents, à la mode, artistique par obligation
et prétention -mais tellement froid et cruel. L'une des
scènes finales, lorsque le film bascule, est hautement
symbolique et presque chocante quant à l'importance que
prend cette "odeur de la pauvreté".
Oeuvre parfaitement réfléchie et à l'esthétique
soignée : là aussi, il existe de somptueuses nuances
de couleurs et de textures, souvent très significatives.
A l'image d'un film qui couvre toutes les gammes d'émotions,
celles de ces personnages hauts en couleurs, tous parfaits dans
leur rôle respectif.