Avant d'entrer de pied ferme dans une analyse détaillée,
je voudrais rappeler une chose somme toute évidente :
le premier critère qualitatif qui fait que l'on aime
(ou pas) une oeuvre, est ce plaisir (ou pas) sans nom ni mot
que l'on ressent à sa vision. Et lors de la diffusion
de ce Once upon a time in... Hollywood il se
trouve que, d'emblée, j'ai éprouvé ce plaisir
immédiat qui ne m'a plus lâché... jusqu'à
ce que la salle s'allume violemment, quelques secondes avant
que le titre du film apparaisse pour nous signifier la fin de
la séance ! Et dans ma tête -j'ai tout d'abord
cru en un problème technique inopportun !- j'en ai immédiatement
réclamé plus : et Mr Tarantino a accédé
à ma demande lors d'une scène, au beau milieu
du générique, scéne réservée
aux purs fans. Délectable et terriblement drôle.
Mais rembobinons le film un instant... Certains lui reprocheront
d'être un exercice de style un peu vain ; mais il n'est
pas vain car, comme je le prouverai, il n'est en rien vide.
D'aucuns lui trouveront le défaut de ne pas suivre une
intrigue solide, indentifiable, qui supporterait pleinement
le scénario, de ce fait il pourrait leur paraître
n'être qu'un amoncellement de scènes et de clins
d'oeil. Mais, si intrigue il y a -en parallèle-, l'intérêt
de l'œuvre est cette fois tout ailleurs.
Et il y a tout d'abord l'inévitable, l'inimitable, l'incontournable
signature Tarantino :
Cette fois le maestro s'est complètement lâché
et le scénario se repose sur des références
jusqu'à raz la gueule, tant au premier qu'au second plan,
dans la moindre parcelle de dialogue. Une véritable célébration
du 7ème art dont il serait vain d'en citer tous les éléments.
On retrouve également dans ce Once upon a time...
deux histoires qui sont amenées à fusionner
à la toute fin ; ici jusqu'en un déchaînement
violence Tarantinesque découlant de sa façon de
faire monter une tension palpable. Quitte à traffiquer
la réalité et fantasmer sur l'issue de la tragédie...
Et puis on reconnaîtra la plupart des tics qui ont fait,
justement, cette signature : les fameuses cigarettes "Red
Apple", un festival de pieds pour fétichistes, des
femmes fatales à tire-larigot, des scènes inondées
de musique et des gangsters (seulement sur petit écran
cette fois). Il ne manquera à l'appel que le montage
explicatif, le célèbre plan "dans le coffre"
(la scène de la roue de secours a été sacrifiée...)
et, il me semble, un coup de frein sur les dialogues, laissant
des scènes étonnamment calmes, pas loin d'être
silencieuses. Mais le point fort du film est, à n'en
point douter, l'inusable génie qui marque une nouvelle
fois une réalisation foisonnante et d'une richesse exceptionnelle,
s'adaptant avec une justesse infime à chacune des scènes,
à chaque univers. La variété de la grammaire
cinématographique de Tarantino me laisse à chaque
fois pantois, la puissance de chacun de ses plans et leur intelligence
à chaque fois renouvelée est vraiment quelque
chose de rare à Hollywood. Le moindre shot d'un visage,
à distance différente est d'une extraordinaire
signifiance ; le moindre insert dans ce qui aurait pu être
un simple plan séquence me bouleverse en tant que cinéphile.
Mais pour l'essentiel Once upon a time... est
une déclaration d'amour envers ce qui nourrit l'auteur
depuis toujours : le cinéma dans sa totalité,
dans sa diversité, dans sa générosité.
Il nous balade dans l'envers du décor, à travers
ses détails les plus croustillants, ses mystères
de fabrication, ses personnages de l'ombre. Car cette fois le
film se veut plus introspectif que n'importe laquelle de ses
oeuvres : jusqu'en une réflexion sur la violence toute
hollywoodienne qui débarque dans la vraie vie (et qui
n'est qu'une réponse imagée et singée envers
une violence toute réelle ; plus qu'elle-même génératrice
de violence). Mais le plus symbolique est assurément
ce gimmick Tarantinesque que nous n'avons pas évoqué
précédemment et qui devient ici un élément
moteur du scénario : l'acteur has been qui essaie de
tirer son épingle du jeu et remonte la pente via des
séries B inspirées ; c'est ce personnage de Rick
Dalton qui n'est que la fictionnlité des Travolta, Johnson
ou Carradine. Et qui devient le défunt Luke Perry au
gré d'une simple scène. La boucle est bouclée.
D'ailleurs le réalisateur permet à chacun de ses
acteurs de donner le meilleur d'eux-mêmes : jamais caricaturaux
ni cabotins, ils savent trouver le ton juste et faire de leur
création quelque chose d'unique et d'impressionnant.
Retour rapide sur le traitement de C. Tate et B. Lee... Pour
m'être intéressé à la vie de Sharon
il y a quelques années, je trouve que le film l'explique
le plus subtilement qui soit en partant de divers éléments,
les mixant à son récit (la villa, la soudaine
célébrité, l'auto-stop, la Playboy Mansion,
le gars qui n'entend pas le crime à cause de sa musique,
le "Pig"). Tarantino évoque clairement ici
des souvenirs diffus, disparates et les assemblent pour faire
"impression". Et c'est sans doute le cas pour Bruce
Lee (dont il admire les oeuvres), même si la scène
est effectivement surprenante et pas forcément bienvenue
de la part d'un auteur qui se plait moins à être
critique qu'à rendre hommage. Le film n'a nullement l'ambition
d'être historique ou documentaire -bien que documenté-,
je n'approuve pas forcément cette vision mais l'a comprend.