Il n'était pas franchement évident d'aligner
une oeuvre originale à partir d'un pareil sujet, couplé
à une espèce de "biopic". Pas facile,
et pourtant ; on y apprend que, avec du talent et de la bonne
volonté, on peut toujours créer quelque chose
de passionnant.
Tout d'abord en grattant la surface d'un genre, le buddy movie
: prétexte fabuleux à jeu de rôle des plus
savoureux -l'homme de couleur embauchant l'italo-américain.
Après des débuts attendus (on sait que tu vas
l'accepter ce job), le film se lance.
Ce sera la confrontation de deux fortes personnalités
: entre le blanc, rustre, brut, sans éducation et raciste
primaire, et le noir, artiste intellectuel, sage et ouvert d'esprit.
Inversement aux rôles habituels d'un cinéma qui
use et abuse des clichés. Et de ce fait le film débouchera
sur une réflexion plutôt inattendue, s'interrogeant
sur ce qui fait de nous ce que l'on est ; tout au fond de nous,
derrière la couleur de notre peau, nos trop évidentes
apparences. Ainsi un caucasien pourra très bien, en son
for intérieur, être plus "noir" qu'un
afro-américain : dans le cas présent le musicien
de couleur ayant connu la réussite (réussite plus
aisément de couleur blanche à cette époque)
ne sait plus qui il est, rejeté de part et d'autres pour
avoir empiété sur des territoires qui n'étaient
pas les siens... Le film crie haut et fort que les barrières
se doivent de tomber, encore aujourd'hui, les genres de se mélanger,
les appartenances de ne plus avoir lieu d'être.
Green book est un road trip dans le Sud profond,
voyage quasi initiatique qui n'est sans doute pas fondamentalement
bouleversant, car à la morale par trop évidente
(même s'il est toujours bon de prodiguer quelques piqûres
de rappel), franchissant les étapes attendues -cinématographiquement
& historiquement- pour évoquer la ségrégation
raciale dans l'Amérique des années 50. Hollywood
se sentant une nouvelle fois obligé d'aborder rapidement
le thème de l'homosexualité, comme pour se racheter
d'années de silence ; mais ici l'aparté est particulièrement
lourd.
Et si le film fonctionne si bien, on ne peut faire l'impasse
sur les prestations de ces acteurs qui endossent à la
perfection leur costume respectif, personnages qui crèvent
l'écran dans une symbiose éclatante. Bien aidé
qu'ils sont par un très fringuant et clinquant travail
derrière la caméra.