Les films en costumes ont cette réputation auprès
du grand public d'être guindés, inutilement pompeux,
raides sur leurs assises, de facture trop classique, à
la finesse d'une réalisation qui se confond souvent avec
l'ennui.
Et puis il y a La favorite : d'un auteur hors
normes que l'ont attendait absolument pas sur ce terrain là
(quoique...). Et à partir de cette considération,
le monsieur va se permettre de, littérallement, faire
imploser le genre. Sa manière de promener dans sa caméra
dans les couloirs avec une froide élégance démontre
la sévérité de ce monde, sa façon
de filmer en contre-plongées ces personnages démontre
à quel point ils se donnent une fausse importance ; sa
technique atypique d'user de focales exagérément
larges afin de noyer ses riches propriétaires dans leurs
palais démesurés prouve combien ils sont vains.
Et l'utilisation de moult travelings avant parait signifier
que rien ne peut les empêcher d'avancer, aussi loin soient-ils
de toutes moralités. Brillant et sans appel.
Il y a ensuite une déconstruction de ce type de film
: la photo finement nuancée est peut-être le seul
"raccord" avec le genre ; car la musique souvent monocorde,
voir stridente, dénote fabuleusement, tout comme un langage
cru et des moeurs sans filtre. Lanthimos est parfaitement aidé
de ces actrices / acteurs qui semblent être comme des
poissons dans l'eau et font divinement ressortir ces jalousies
et intrigues diverses pour s'attirer les faveurs d'une reine
inédite au cinéma.
Son scénario en apesanteur porte tout autant sa griffe
: s'agit-il ici de ridiculiser le genre, les personnages ou
l'époque ? Pour ma part j'y ai vu une fascinante relecture
d'un genre sclérosé, accentuant ses défauts
comme dans une parodie subtile et grinçante, jouant de
l'extravagance supposée de l'époque par une extravagance
scénaristique, marque de fabrique de l'auteur. L'ascension
d'une servante vers ce pouvoir qui n'est autre que déchéance.
Drôle et couillu, poisseux, sexué, enragé
comme une lutte entre femmes, comme une critique cinglante de
l'avidité et du pouvoir.