Que se cache derrière ce croustillant concept : couper
le sifflet au prolixe Luchini, ou plutôt pervertir le
langage d'un bel orateur, amoureux des mots, adorateur syntaxique,
jongleur verbal et admirateur frénétique de la
langue française ? Et bien derrière Un
homme pressé se dissimule un film qui dépasse
son concept et se surpasse.
Pour la petite histoire : un homme d'affaires overbooké
fait un AVC et se retrouve en plein dans délire languagier
; dans une espèce de version adulte de "La belle
lisse poire du prince de mots tordus".
Et je le répète : le film est tout à fait
à la hauteur de ses ambitions. Parce que le travail d'acteur
est puissamment jouissif et fortement communicatif, un travail
d'équilibriste d'où découle un humour inédit
issu de dialogues où se mélange aléatoirement
verlan et aphasie, véritable régal pour nos oreilles
aguerries. Saluons l'effort de l'acteur pour les retranscrire,
toujours avec génie et subtilité. Et pour une
fois ce génie semble être à notre portée,
tellement plus fragile.
Je trouve que le pitch sert tangiblement les personnages (réapprendre
à se connaître, réapprendre à vivre),
les personnages nourrissant eux-même le récit et,
par ce biais, ces mêmes personnages prennent de l'épaisseur
et se mettent réellement à vivre ; autant Alain
est extrêmement drôle et profondément attendrissant,
autant son orthophoniste et chacun des seconds rôles -de
l'infirmier jusqu'à la dame de service- se démarquent
et existent grâce à de petites touches littérales
toujours bien senties.
On trouve au gré du métrage de très belles
séquences, d'excellentes idées parfaitement mises
en scène (celle de Pôle emploi est magnifique).
Une œuvre qui manie avec grâce l'humour et l'émotion
et nous touche à bien des égards.