Les proies est un film sur le temps qui coule
et la répression sexuelle.
En revanche, non sur une répression passive de la sexualité,
c'est un film sur la castration et l'impuissance, à se
réaliser, sur le désir réprimé et
à affirmer son identité, de femme libre ou d'homme
libre. Tout ce film est parsemé de symboles, tu l'as
vu, dans le cadre, l'image, les gestes, les objets et la mise
en scène. La maison est vu comme une entité vivante,
cachée dans la forêt, symbole de la Mère,
comme l'eau du puits. La nature est là pour cacher, préserver
mais aussi pour camoufler les faux semblants.
A l'instar de la fille qui passe le film à voir avec
sa longue vue, appendice sexuel masculin pour mieux voir comme
un troisième œil, le film parle du manque de l'élément
masculin: le père et le mari. Ces femmes vivent comme
une famille selon le modèle de la société
moderne patriarcale, imposée par le système puritain
anglo-saxon, l’époux en domination sur sa femme
et ses enfants, en l’absence, Nicole Kidman joue le rôle
du père autoritaire, brutal, actif, elle prend un pistolet
et chargé en plus et évidemment camoufle mal son
désir de femme que sa fonction pousse à surjouer
un rôle qu'elle ne supporte guère, elle passe tout
le film à s'appuyer sur la Règle, le Devoir et
comme une élève, demande un livre d'anatomie quand
elle va opérer Colin Farrell, pareil pour le soigner.
Kirsten Dunst est la fille de la ville, du Sud, un monde révolu
car si tu as vu le film Autant en emporte le vent
ou lu le roman de Margaret Mitchell, derrière les corsets
et le puritanisme, le Sud est un monde ou la femme pouvait administrer
un domaine, vivre seul, hériter et même travailler.
Comme Nicole Kidman, son mari est mort à la guerre, on
suppose, mais elle n'est pas l'éperdue romantique, oh
non, elle joue l'élément maternel dans la famille,
ou la fille aînée,
sur l'affiche du film, elle regarde le spectateur, elle camoufle
ses désirs mais elle est la femme cérébrale,
humaniste et elle est la seule qui voit et regarde avec le cœur
sans calcul.
Les chroniques du cinéphile dit qu'elle est transparente,
c'est totalement faux, elle nous guide dans ce monde ou personne
n'est vraiment ce qu'il dit être, même elle d'ailleurs
que la vie a mis dans ce pensionnat pour enseigner à
des enfants à être de bonnes mères. Elles
sont seules, elles sont vulnérables, elles s'ennuient
mais uniquement en apparence. Elles sont fortes, mangent bien
car les villes sont affamées et assiégés
et se suffisent à elles même. Elles ont le feu
au cul comme disent joliment les critiques du web et de la presse
mais pas que cela, dans un monde qui meurt et ou l'apologie
du monde moderne est la guerre à tous les niveaux, économique,
familiale et sexuelle, dans une dualité ou il faut jouer
son rôle de mère et d'épouse et assumer
la fonction d'autorité, elles sont vivantes et libres
dans leur cage dorée. Dans une société
en déliquescence et qui étouffe, malgré
elles, elles ont trouvé une stabilité. Instable,
prêt à rompre mais l'équilibre reste, la
fin du film le montre.
Les personnages des filles sont peut-être stéréotypées,
la délurée attirée par l'Homme, l'amoureuse
de la nature, l'intello et la naïve, elles sont les caricatures
que la société masculine impose aux femmes pour
les mettre dans leurs rôles à jouer. Ce que montre
le film c'est que ce désir de jouir, castré par
la société, finalement dans ce refoulement, se
sublime et ces femmes et jeunes filles arrivé à
trouver une forme de liberté, qui peut être lasse
et résignée comme le couple Nicole Kidman/ Kirsten
Dunst, le dernier plan montre la main de Nicole Kidman qui tient
la chaise ou Kirsten est assise,dans ce monde qui s'écroule,
elles ont trouvé un équilibre de transmission,
de savoir.
Colin Farrell est le personnage masculin le mieux écrit
de la filmo de Sofia Coppola. Comme dans les contes de fée,
il est trouvé sous un arbre dans les bois par l'amoureuse
de la Nature, de la forêt, donc de la Mère, il
fuit la guerre, symbole de la société moderne
qui se met en place, brutal et patriarcal. Il la fuit car c'est
sa sensibilité féminine qui l’abîme
et le ronge, à l'instar de ces femmes il est une victime
et un vaincu de cette société ou il ne trouve
pas sa place, c'est cela que Kirsten Dunst ressent et l'attire.
Il fuit le père, brutal et autoritaire ce cette guerre
qui le pousse à verser le sang et tuer, il aime la Nature
et les animaux, il aime jardiner, il aime créer et donner
la vie non détruire. Or, il est plein de culpabilité,
de désir refoulé et inassouvi, il est beau mais
délicat, poli, charmant, conciliant avec chacune, l'anti-
Clint Eastwood qui joue de sa séduction masculine, chez
lui elle est imperceptible, dans la nuance, l’ambiguïté.
Il trouve refuge auprès le ces femmes, aimantes comme
des mères et trois fois durant le film il soumet l'idée
de rester avec elles pour toujours.
Or la force de Sofia Coppola dans sa mise en scène est
le renversement total de la situation, il n'est pas dangereux
cet homme, dés le premier jour Nicole Kidman l'a compris.
Or, ces femmes charmées par ce soldat vaincu, à
leur merci, comprenne que c'est le petit garçon qui veut
rester ici auprès de ses «mères».
Le point culminant du film est le moment ou il dit vouloir embrasser
le personnage de Kirsten Dunst et aller dans la chambre de Elle
Fanning, c'est un acte manqué et raté, il voit
Nicole Kidman comme un homme, brutale et autoritaire, Kirsten
Dunst comme une mère et amie qui le comprends mais en
qui il s'identifie, il ne s'aime pas et se méprise ne
serait ce que par son statut de fuyard et faible et lâche
car les maris sont soit morts en héros à la guerre
soit en train de combattre. Il est castré, impuissant
et dans un rôle inconscient de petit garçon qui
veut rester à la maison maternelle pour toujours. Il
rate son acte d'amour et de virilité en choisissant la
pucelle d'ailleurs mais avec sa canne en prévenant toute
la maisonnée qu'il va dans cette chambre provoquant le
drame qu'il recherchait inconsciemment. Ce qui est paradoxal
c'est en le castrant, Nicole Kidman lui donne ce qu'il veut,
rester en invalide pour toujours chez elles et en affichant
son impuissance aux yeux de tous là ou les brumes de
la forêt pouvaient encore cacher ce qui était indicible.
Sa colère est une colère caricatural et surjouée,
la tortue qu'il jette est un acte pathétique, sa colère
contre le père Nicole Kidman qui envoie l'une des filles
mettre un ruban bleu au portail, il lui dit qu'elle est lâche,
non car elle sait qu'elle a affaire à un enfant, non
un homme et qui ne s'en prendra pas aux enfants malgré
la scène dans la grange.
Il joue le rôle du loup, de l'homme brutal que la société
attend de lui et Kidman le sait et donc joue la maîtresse
de maison en lui promettant ce qu'il désire rester ici
et être le «maître».
Dunst s'offre à lui mais c'est un sacrifice expiatoire,
elle a compris que il n'est pas son sauveur et que par cet acte
au grand jour elle va rendre jalouse Kidman. La scène
du repas ou finalement elle ne prend pas les champignons est
une capitulation, elle jouait la compagne de Farell mais revient
à sa famille et ses enfants, que ce soit celle qui a
cueilli les champignons qui lui dit avec un regard de remerciement
de tous est révélateur, elle a fauté mais
elle est absoute et pardonnée par tous. Son sacrifice
n'est pas vain.
Le personnage de Colin Farell meurt pathétiquement mais
en posant dans son cercueil parmi la famille en photo d'époque
dans le dernier plan, il meurt en héros de guerre et
en rédemption, dans la mort, il est devenu pour la postérité
un Homme.
Pour la part, c'est un prix de la mise en scène mérité
et le film le plus abouti de Sofia Coppola.
David S.