La réalisation riche, variée et vivante de Jarmusch
fait une fois de plus des miracles ; et elle vous embarque dans
un monde, celui de "Paterson", en lui donnant un rythme
incroyable tel celui d'un poème de la divine Beat génération
(A. Ginsberg en tête même si W. C. Williams est
le plus cité). Donnant accès à un monde
d'artistes, de créateurs ; un monde éphémère.
Mais expliquant, surtout, mieux que quiconque n'a jamais su
le faire, le génie de cette poésie. Explications
: la vie étant déjà faite de rimes, tels
les jours qui se répètent inlassablement -à
travers les heures et les tâches quotidiennes, chronométrées
à l'identique- jour après jour, telle une répétition
d'évènements -des jumeaux comme s'il en pleuvait,
une blague à l'infini, jusqu'au nom de "Paterson",
à double emploi-, la poésie du héros se
doit de ne pas être une succession lassante de rimes afin
de ne pas singer la vie mais plutôt de la portée
aux nues en déstructurant sa mécanique implacable.
Et finalement il n'y a que la poésie dans ce film qui
n'est pas "rimée". Film atmosphérique,
doucereux et suave doublé d'une extraordinaire histoire
d'amour faite de simplicité, d'authenticité, touchante
et limpide, d'une galerie de personnages touchants et vibrants
et de scènes uniques (avec une mention toute spéciale
à celle, hilarante, du chien et de la boîte aux
lettres). Heureux de voir que Jarmusch n'a pas sombré,
répondant aux sirènes langoureuses d'Hollywood,
et qu'il continue de tracer sa voie dans le cinéma indépendant
américain. Une oeuvre extrêmement riche et puissante
: un long moment de bonheur à travers une simple tranche
de vie hebdomadaire.