Ayant découvert l'oeuvre fascinante d'E. Dickinson en
fac d'anglais et ayant suivi de près la carrière
classique mais très solide de T. Davies depuis la vision
de La bible de néon dans un cinéma
Art & essai, j'abordais ce film avec une grande sérénité.
L'histoire d'une immense poétesse, rebelle à l'autorité,
à l'hypocrisie, aux conventions sociales, féministe
avant l'heure, anti-bourgeoise, profondément morale,
idéalement célibataire et joliment anti-sociale
au point de s'écarter peu à peu du monde, jusqu'à
vivre recluse dans sa chambre, malade, E. Dickinson méritait
amplement un film à son nom. Pas qu'un film : une joute
verbale délectable et réalisée avec une
raideur qui n'en a que l'apparence ; car il est des plans dans
cette oeuvre qui sont d'une beauté et d'une intelligence
foudroyante. Un panoramique à 360° censé démontrer
l'ennui dans les maisons bourgeoises, des placements de caméra
étudiés (lorsque le fiacre arrive devant la propriété,
on aperçoit en transparence les maîtres des lieux)
voir presque savants (le traveling avant montrant le temps qui
passe sur des visages vieillissants peu à peu).
Et puis
il y a ce thème passionnant de la religion, non pas pour
elle-même, mais en tant que réflexion sur la piété,
la religiosité et la croyance ; débouchant sur
une analyse de la tolérance, de l'appropriation de la
croyance par tout un chacun. Alors oui : il faut aimer les beaux
textes, le verbe, les vers et les mots qui fusent, claquent,
s'entrechoquent, déroutent et confèrent au génie.
De très beaux textes, des dialogues ciselés et
cinglants pour un film qui détourne habilement les codes
des films en costumes.
Même s'il finit par tournée
un peu en rond, ralentir un rythme déjà posé
et délaisser le fond. Pourtant le personnage restera
fascinant, son rejet compulsif de tout accomodemment, jusqu'à
celui imposé par l'amour (complexe histoire qui vaut
à elle seule le détour), est digne d'admiration.
Les acteurs y sont impeccables et l'oeuvre mérite tellement
mieux que son triste sort réservé en salles.