Nouvelle pierre à l'édifice d'une filmographie
sans tâche, Dunkerque ne m'attirait pourtant
pas forcément à sa sortie en salles, n'étant
pas forcément grand fan de films de guerre. Grosse erreur...
C'est un immense film, rare, unique, de ceux qui marque l'âme
et le cinéma. Façonné par une photo chromatiquement
grisâtre, façon carte postale d'époque,
un rien vieillie, asséné par un montage alterné
qui donne un regard définitivement imprenable sur cette
"bataille" saisissante -montage qui deviendra parallèle
lors de certaines séquences, comme pour mieux signifier
l'unité des forces en présence-, point de vue
qui rend le film digne de son récit, le scénario
se voulant quasiment documentaire puisque filmé à
hauteur d'hommes, au plus près, dans le sable, la fumée
et le sang. Car la réalisation, tout aussi sublime est-elle
d'un point de vue purement esthétique, se veut avant
tout efficiente, parfaite dans les moindres détails,
d'une intensité sans faille, tour à tour envoûtante,
millimétrée et surtout portant judicieusement
la thématique du film. Tout comme la prestation une nouvelle
fois idyllique de H. Zimmer : monocorde, graduelle, presque
à la manière d'une composition horrifique ; fabuleusement
stressante, sans en faire trop dans un lyrisme qui l'emporterait
sur la pureté des sensations. Car c'est de cela dont
le film parle, au-delà de l'histoire, du travail documentaire
pointilleux, au-delà du simple film de guerre, par-delà
le récit en forme d'hommage pour ces hommes tombés
pour la liberté. Il nous parle de la peur. C'est une
oeuvre profondément humaine qui transpire l'angoisse
du soldat face à une situation désespérée,
celle de l'être humain voyant sa dernière heure
venir ; Nolan le scénariste semble nous dire -et ce sera
la leçon de morale de l'histoire- que finalement la guerre
n'est qu'un choix, une longue hésitation entre le devoir
et la survie. Implacable. N'oublions pas, et ce serait une honte
lorsqu'on souhaite évoquer avec justesse l'oeuvre de
ce génie, maniaque des détails, la bande-son absolument
prodigieuse du film : un récit de combat magnifié,
intensifié, rendu quasiment "vrai" par le biais
des sons, sons qui font sens et sens qui emmènent aux
émotions. Des sons qui s'en viennent remplacer pour beaucoup
de longs, souvent inutiles et ennuyeux dialogues. Le cinéma
comme un prolongement de la vie, un témoignage vibrant,
au sens propre du terme. Nous voilà en immersion totale,
aux côtés de ses hommes, aux côtés
de ses héros méconnus, aux côtés
de ces inconnus. Je fus totalement conquis.