Amèrement déçu sur tous les plans, alors
que j'attendais beaucoup de ce film, de cette réalisatrice
que j'ai en très haute estime et suis depuis ses débuts.
Chronique des évènements interraciaux de Detroit
qui conduirent à des exactions policières abominables,
Detroit se veut être un témoin
du passé pour éclairer le présent, et surtout
pour souligner que rien, ou presque, n'a avancé depuis
(voir les récentes relaxes de policiers aux USA). Sauf
que le film, qui se divise grosso modo en trois parties, est
d'une maladresse scripturale assez surprenante. La première
partie ne nous permettra jamais de rentrer dans le propos, peinant
à construire une histoire, un récit, s'en tenant
à de simples faits comme le ferait tout "bon"
journal TV. Les émeutes vécues de l'intérieur
afin de nous prouver que la pire des tensions conduit aux pires
réactions et atrocités ; que le racisme est le
cancer de nos sociétés et qu'il est en phase terminale
lorsqu'il s'agit de racisme étatique. Evident. Puis les
personnages émergent en seconde partie : et il est délicat
de se projeter ; faussement épaissi, ils ont vraiment
beaucoup de mal à prendre vie à l'écran.
D'un côté ces noirs qui rêvent de gloire
presque mal à propos et celui, pas assez développé,
qui refuse de vendre son âme aux blancs, de l'autre ces
flics caricaturaux et péniblement joués (j'ai
décidément beaucoup de mal avec l'interprétation
de Will Poulter). C'est à ce moment également
que l'on se rend compte du travail incompréhensible de
Bigelow : filmant chaque scène caméra à
l'épaule, froidement, sans partie pris esthétique
mais surtout sans distinguo entre les diverses intensités
et les moments dialogués. La seconde partie est en fait
un véritable naufrage : une scène d'interrogatoire
très musclée et dramatique, passablement étirée
(40 minutes) et passablement écrite, qui reste au final,
non pas le point d'orgue du scénario mais la scène
qui nous sort littéralement de l'histoire. Loin de l'impact
désiré, elle est aussi anarchique qu'elle a du
être vécu mais jamais cinématographiquement
retranscrite avec justesse et force. Les situations paraissent
mêmes ubuesques (le gospel...), presque banales en regard
de l'histoire du cinéma et de ce que l'ont sait de l'Histoire,
la dramaturgie est maladroitement réécrite, il
n'y a pas de point de vue et, pire que tout, aucune intensité
n'en ressort. Jamais on ne ressent cette peur qu'éprouve
les personnages... Reste une dernière partie courue d'avance,
rejouant le film dans un tribunal.
Je peux paraître un peu dur mais jamais je ne me suis
senti impliqué alors que, pour ceux qui me connaissent,
ce genre de sujet me fait généralement bondir...
dans la vraie vie. Terrible.