L'histoire -non pas du confident, comme le souligne de façon
réductrice le titrage français- du lien étroit
et savant qu'il y eu entre le servant musulman Abdul et la reine
anglicanne Victoria en cette fin du 19ème siècle.
Une sempiternelle histoire de choc des mondes, de choc des cultures
et de choc des religions ? Oh que non ! Par le grand écart
qui est décrit dans cette histoire authentique et par
son traitement frontal et sans tabou, ce film dépasse,
et de loin, ces petits frères timorés. Car entre
le sort peu enviable des indous dominés par les britanniques
et les fastes royales d'Angleterre, il y a bien plus qu'un continent
; un univers entier. En dehors d'une certaine moquerie du lourd
et saugrenu protocole royal -auquel le film donnera réponse
concernant les tenues traditionnelles musulmano-indiennes- il
est un film qui aborde son sujet sans fioriture et l'enrobe
merveilleusement : Frears se bonifierait presque avec l'âge
tant son travail est effectué avec un entrain communicatif
et une emphase savamment dosée pour souligner tout les
aspects scénaristiques. C'est un film vraiment très
drôle, et tout à la fois très grave, qui
plaide pour le rapprochement des peuples, le dépassement
des préjugés, leçon qui semble ne toujours
pas avoir été entendu plus d'un siècle
après ce brillant exemple. Au bout du bout c'est une
oeuvre riche, réflexive et intelligente, mise en oeuvre
à une époque où il semble être de
bon ton de rappeler que les hommes sont tous frères,
et tout particulièrement à une poignée
d'islamophobes irréfléchis ; un appel presque
désespéré à la tolérance
universelle. Et il est absolument honteux et méprisable
que le titrage français n'est point respecté l'original
(Victoria and Abdul) et ai délibérément
gommé le nom arabe des affiches à des fins de
toutes évidences commerciales... C'est un symbole que
l'on fait sciemment disparaître pour ne pas trop perturber
le chaland.
Mais reprenons : le film jette un regard impartial -et c'est
sa plus grande qualité- sur les traditions, les us et
coutumes des uns et des autres, au-delà de tout préjugés
sur de quelconque apparences : au grotesque du protocole répond
un gag sur l'étrangeté du port du Purdah (et non
pas la Burqa). Mais sans pour autant tomber dans un angélisme
niais : si chacun des personnages voue un respect à l'autre,
apporte beaucoup à l'autre dans le sens où ils
s'enrichissent mutuellement de la culture de l'autre, ils sont
toutefois loin d'être parfaits (voir le traitement ignoble
d'Abdul fait à son compagnon et ami de voyage). Et j'avoue
qu'il est carrément surprenant d'entendre dans la bouche
de la reine Victoria un "Alhamdulillah" prononcé
sur son lit de mort.
Loin d'être anecdotique, puisque révélé
sur le tard, cette histoire méritait amplement d'être
racontée aujourd'hui, pour rappel, quand ici et là
on ose encore et sans honte brandir l'étendard de supposés
menaces étrangères (au sens global du terme) pour
justifier une peur irrationelle et cacher un racisme abject
et latent, masquant difficilement un manque de réponses
concrètes et claires (de questionnements, tout autant)
sur les problèmes qui nous occupent au quotidien...
A l'heure actuelle, je ne vois pas comment un tel sujet aurait
pu déboucher sur un succès en France...