Le film aurait pu s'ouvrir en hurlant : il préfère
poser son regard sur la banalité de la vie ; non pas
la terrible banalité, mais la simple banalité.
Car c'est cette banalité / banalisation qui permettra
à Belvaux et son co-scénariste d'analyser comment
les partis d'extrêmes droite pervertissent la pensée
de citoyens désabusés qui, dans notre monde 3.0,
laissent l'information venir à eux sans jugement ni critique
et se font manipuler naïvement. On pourrait, de ce film,
en faire une analyse banalement cinématographique, mais
c'est une oeuvre trop engagée pour ne pas y parler d'idées...
J'y ai vu dans cette oeuvre la description d'un parti politique
aux idées les plus vagues, veillant à ne jamais
dépasser ce stade, sans profondeur, afin de ne jamais
être mis à mal. Et ne parlons pas de programme...
modifiable à loisir dans son inconsistance, jusqu'à
en être invisible à ses pontes. J'y ai vu la description
précise d'une idéologie bouffie de raccourcis
arrangeants et d'un simplisme dans la forme qui permet au plus
grand nombre de perdre toute capacité d'analyse et de
recoupement afin d'être aveuglé par des concepts
antédiluviens mais toujours efficaces. On n'en retiendra
qu'un pour la forme, mais tellement marquant : la fameuse /
fumeuse théorie du grand remplacement qui courent depuis
des siècles dans une société qui en a intégré
(et non pas assimilé) plus d'un, à commencer par
les catholiques.
J'y ai vu l'étude d'un parti politique de façade
qui refuse de s'assumer pleinement (les milices néo-nazis
bien vivaces et un racisme profondément bien ancré)
et s'inscrit dans une logique de "Politique pour les nuls"
où, avec un semblant de recul, on se rend vite compte
que tout est basé sur de vulgaires abstractions ; n'oublions
pas que plus c'est gros et plus cela passe. Avec comme fondement
un principe unique : "Diviser pour mieux régner"
: le terreau étant celui de la différenciation,
où comment s'arroger de précieuses voix en mettant
de l'huile sur le feu d'une société pourtant pacifiée.
Exemple : Le musulman est différent du catholique...
mais on n'évite de chercher à quel niveau en parlant
d'une vague "culture" et rejettant toutes analyses
cultuelles un peu pointue (deux religions monothéistes,
le rôle de la prière, l'emprise de la morale, les
règles de vie...etc). Le scénario est un démontage
en règle de ces méthodologies activistes de bas
étage, peut-être pas assez dans la précision
des idées (on n'y évoque pas l'Europe, par exemple)
et trop dans l'ombre de gropuscules sulfureux mais devenus marginux.
S'il peut paraître parfois un rien didactique, s'il ne
s'attaque pas de front à un programme en particulier,
si sa fin est objectivement ratée, Chez nous
donne une vision "de l'intérieur"
de cette gangrène sociale qui appelle subtilement à
la haine afin d'attiser cette même haine qui en fait,
justement, les fondements idéologiques.
S'il s'agit assurément de l'un des tout meilleurs film
français de l'année, je ne peux m'empêcher
de poser la question suivante : A qui s'adresse-t-il ? Aux convaincus
qui se ralieront à sa cause ou aux âmes perdues,
partisans suffisamment aveugles pour ne pas regarder la vérité
en face, faire montre d'une certaine honnêteté
intellectuelle, d'une confrontation critique, trop lâches
pour laisser vasciller leurs idées... Ce que l'on ne
peut, justement, pas reprocher à L. Belvaux ??? On attend
toujours leurs réponses.
Avant de conclure, une petite aparté : c'est peut-être
le moment de rappeler à ces gens prententieusement journalistes,
donc à la recherche de la vérité, qu'il
serait judicieux d'arrêter d'user de ce même vocabulaire
perverti et surtout NONSENSIQUE qui fait d'un FN un chantre
de la division. Il n'y a pas de djihadistes, mais seulement
des terroristes sans idéologie, et il ne sont pas salafistes
mais wahabites. Soyez plus grands qu'eux...
"La France est un paradis peuplé de gens qui se
croit en Enfer". Pour ouvrir les yeux, les oreilles et
le coeur.