J'attendais beaucoup de ce film, de la part d'un réalisateur
que j'admire depuis le tout début, c'est-à-dire
depuis le génial Bernie ; et bien je
n'ai pas été déçu ! La première
séquence vous plonge au coeur de l'action de la meilleure
des façons et celle-ci ne vous lâchera plus : on
se trouve face à une version française de Johnny
got his gun (film essentiel sur la guerre et que tout
un chacun devrait absolument voir).
Ce qui ne manquera pas de vous frapper une nouvelle fois, c'est
la réalisation flamboyante et très riche de Dupontel,
belle leçon de cinéma pour un film visuellement
et tout expressément chiadé, intensément
travaillé (même si abus de grue il y a). D'aucun
le trouveront peut-être tape à l'oeil : mais vu
l'indigence globale des œuvres nationales à ce niveau,
on aurait tort de faire la fine bouche devant un vrai boulot
de réalisateur, que dis-je : d'artiste. Albert s'approprie
le matériau originel pour en faire une oeuvre originale,
une oeuvre qui lui est propre et intègre parfaitement
son univers fait de situations qui vous prennent constamment
à contre-pied, de personnages de cinéma (incarnés
par des acteurs aux petits oignons). Autre point important qui
m'a littéralement retourné le coeur : la musique,
mélodique et vibrante, humaine et enivrante.
Et puis il y a ce fond de scénario : l'histoire d'une
arnaque visant, finalement, à récupérer
l'argent d'un état ingrat envers ses héros de
guerre meurtris ; le héros n'a plus la parole alors il
s'exprime, lui et sa douleur, son mal-être, à travers
une arnaque éminemment sarcastique. Ainsi qu'au travers
de divers et d'exceptionnels masques représentant tour
à tour ses humeurs, son état d'esprit. Il y a
tout autant une critique vive et au scalpel de l'armée
-et du nationalisme- via l'immonde lieutenant qui, tant au sein
de l'armée que dans le civil, sera un vampire assoiffé
du sang des siens. Un homme qui prospère sur la mort.
Et c'est bien à cela que répond brillamment l'escroquerie
des deux soldats. Mais il y a aussi ce rapport dramatique au
père, ici particulièrement éloquent, et
une flambée de personnages secondaires complètement
ancrés dans le récit. Divin.
C'est un somptueux film qui joue sur les contradictions (le
final), une histoire relevée, drôle, sensible,
consistante et d'une belle puissance. Incontournable.