Revoir Citizen Kane 3/4 de siècle
après sa sortie est un choc incommensurable. Bien au-delà
de ses qualités tant et tant louées, il est aujourd'hui
un signe qui ne trompe pas : signe qu'Hollywood, et les grands
studios de par le monde, appauvrissent dramatiquement un cinéma
qui s'éloigne d'autant plus du 7ème art originel,
un cinéma qui s'est mu petit à petit en une industrie
terriblement rentable, capitaliste avant tout, et qui se doit
de le rester. Coûte que coûte. Quitte à n'être
qu'une industrie de pur loisir, au même titre que ces
parcs à thème auxquels il a donné naissance
; le 7ème art n'est qu'un manège autant à
sensation qu'à fric.
Appauvraissement visuel s'il en est, lorsque l'on voit la qualité
presque improbable du film auquel on assiste. Une oeuvre pillée
par moults auteurs (la liste est illimitée...), par toutes
petites touches, alors que le film lui même n'est qu'un
immense ouvrage, façonné de main de maître,
dans les moindres détails (profondeur de champ, réalisation
des dialogues, contre-plongées, plongées, une
caméra libérée de toute contraintes formelles...etc).
Il n'y a pas un plan pour lequel on ne se décroche pas
la machoire à se dire à quel point il est sublime
et parfait et, surtout, parfaitement sensé, étudié,
logique. Et notre cinéma moderne, globalisé et
globalement dénué de sens, écrasant toute
vindict artistique, faute de temps, de moyens et d'ambition,
parait soudainement vide et insensé...
Et puis il y a cette thématique : l'ascension inéluctable
et terriblement excitante de Charles Kane, devenu un peu se
que chacun rêve : un magnat ricchissime et... heureux
? Non : c'est le sens profond de l'enquête qui guide le
scénario. Kane avait tout, sauf une chose. Et le désormais
"Rosebud" est la clef qui nous ouvrira les portes
de sa conscience. Pas d'explications bassement pédagogiques
: le spectateur est suffisament intelligent et attentif pour
découvrir par lui-même ce symbole lourd de sens.
On entre dans l'intimité de Kane dès la 1ère
image, celle du panneau "No trespassing" ; la dernière
sera strictement la même. Citizen Kane est
une oeuvre majeure car elle discourt sur de très nombreuses
thématiques : la critique de notre société
de consommation effrénée et le message sous-jacent
-l'homme se trompe- n'étant pas des moindres. Le citoyen
Kane en est la plus triste et sinsitre expression : un homme
qui cherche l'amour, la gloire, le pouvoir (celui de la presse,
de la manipulation des masses ; celui politique) , le bonheur
; mais n'a que l'argent, argent qui n'achète pas tout
(le succès de son épouse). Kane est dans l'apparât
: son château de conte de fée, la beauté
de son épouse,