On part avec Walden et on croise Sal Paradise et quelques autres...
Ce film absolument brillant est la preuve incarnée que
l'on peut très bien ne pas être en accord à
100 % avec l'idéologie d'une oeuvre mais la respectée
au plus haut point tant ses qualités intrinsèques
en font un objet unique et à part.
Tout d'abord, à la vision des premières images,
je me suis dit qu'un tel film ne pouvait pas parler à
une majorité de personnes ; cette population américano-mondiale
se faisant caresser à rebrousse-poil, bien assise dans
son confort aussi bourgeois qu'inutile et pesant, asservis d'objets
aussi nombreux qu'inutiles, avachis idiotement et se nourissant,
pire s'instruisant littéralement devant leurs pseudos
divinités télévisuelles. Tout ça
pour dire que ce film part en guerre avec justesse et sans compromis
contre notre abrutissante société de consommation,
civilisation O combien absurde qui fait de nous des assistés
désarmés, "faibles contre les puissants".
Et ce film a même le culot d'être réflexif,
intelligent et de parler de... littérature, de philosophie,
de science !
Il est traversé de scènes magiques (le concert
nocturne par exemple), renouant avec l'esprit des beatniks (et
non pas celui moribond et vide des hippies), cherchant à
nouveau la place de l'homme dans la nature, se confrontant intellectuellement
avec la civilisation moderne, celle éduquée par
des écoles conformistes qui préfèrent assimiler
plutôt qu'intégrer, celle des émissions
TV avilissantes et bêtifiantes, la société
du paraître. C'est un regard sur notre monde moderne et
nombriliste par le prisme d'une famille différente ;
un autre regard sur la "normalité" qui en devient
comique par la force des choses. Mais le film ne s'arrête
pas en route, bêtement idyllique et naïvement intelligent
: il nous fait également part de ses doutes, celui des
enfants, du père, évoque les limites de toutes
idéologies, philosophies de vie. Mais il garde espoir
avec comme seul et unique but : le respect, la recherche du
libre arbitre.
Les personnages sont d'une puissance sans équivoque et
le film est tout simplement traversé d'un souffle de
liberté -pour ne pas dire libertaire, au sens noble du
terme-, et de tolérance : le regard de ces gens sur notre
monde est, certe, critique, mais il n'est jamais destructeur,
ni celui de personnes essayant de changer les autres, il reste
toujours positiviste ; et d'une grande ouverture d'esprit. Mais
je le répète, même si l'on peut émettre
des réserves sur tel ou tel point de détail tant
l'oeuvre est riche d'idées et de pistes à explorer,
son âme est fondamentalement bonne et c'est assurément
un film qui restera.