Une bande de copains s'apprête à partir pour le
Vietnam. L'un d'entre eux va se marier ; à la russe.
Mais avant leur départ pour les combats, ils organisent
leur traditionnelle partie de chasse au daim, cette fois un
peu comme un exorcisme avant de plonger en Enfer.
La longue séance du mariage nous permet de nous familiariser
avec chaque personnages, de goûter à leur bonheur
de citoyens américains moyens, à cette inconscience
qui était celle de toute une nation croyant aux valeurs
de la guerre. Et du mariage jusqu'à l'enterrement, à
la toute fin du film, sur l'air grinçant voir acide de
"God bless America", il n'y a qu'un pas : les horreurs
d'une guerre, se conséquences sociales, que les américains
commencent à peine à explorer au cinéma.
Loin d'être innoncentes sont les origines de ces jeunes
soldats : on ne reviendra pas ici sur les conditions politiques
et idéologiques du conflit, mais L'URSS étant
le bras armé des soldats nord-vietnamiens il y a une
résonnance évidente dans le choix de leur descendance
; de même la dénomination du terrifiant jeu de
la roulette...
Absolument tout m'a toujours séduit dans ce film, œuvre
surpuissante, éreintante que j'ai peut-être vu
trop jeune mais qui a laissé en ma mémoire, coincé
dans un coin de ma cinéphilie en construction, une trace
indélébile. Hypnotique. Ce film est comme un aimant
sur mon âme. Un traumatisme en 24 images / seconde.
J'aime absolument tout dans Voyage au bout de l'Enfer
: la photographie typique des 70's, brumeuse, à la profondeur
et à l'intensité pafois troublante, jouant sur
toutes les gammes, toutes les tonalités. La réalisation
atmosphérique, formidablement légère et
enlevée de Cimino, à la mobilité étudiée,
jouant souvent de parallélisme troublant ; de la pure
dentelle. La musique qui vous prend à chaque fois aux
tripes, depuis la composition originale jusqu'à ces chants
russes traditionnels. Le découpage on ne peut plus incisif,
presque violent qui participe grandement à nos émotions.
The deer hunter est une oeuvre immersive,
humaine, délivrant une extraordinaire gamme d'émotions,
depuis cette joie intense et sans retenue du mariage, symbole
s'il en est de l'union, jusqu'aux séquences extrêmes
dans le camp vietnamien, et aux différentes manières
de se séparer ; séquences à la tension
intacte qui me font toujours autant souffrir, me coupent littéralement
la respiration. Me foudroient.
Jusqu'à son exploration en profondeur du traumatisme
lié à la guerre, le film disserte sur cette violence
inhérente à l'homme, sur son instinct primaire
de mort. L'homme est et sera toujours un chasseur dans l'âme.
Même si l'espoir fait partie intégrante du message.
L'un de mes chefs-d'oeuvre de coeur...