L'ignominie de la guerre a-t-elle jamais été
aussi bien représentée au cinéma, dans
son immense horreur, sa folie universelle, la façon de
révéler les pires penchants de l'espèce
humaine ?
Deux enfants éprouvent la dureté du monde, sa
volatilité, la fragilité de la vie, et c'est face
à cette découverte éprouvante, à
travers l'immense dignité dont fait montre ses deux petits
innocents que le film nous donne une sacré leçon
d'humanité. Et on en a toujours autant besoin aujourd'hui...
En exposant le regard croisé de deux enfants vis à
vis de cette fin programmée de l'existence, loin de la
douceur sécuritaire du cocon familial pour l'une, face
à une nouvelle réalité pour l'autre, Jeux
interdits trouve le ton juste pour aborder un sujet
délicat, ambitieux et sensible.
C'est aussi le choc entre la petite parisienne qui débarque
sans le vouloir dans la campagne française. Un choc des
cultures dans une France en guerre : deux mondes aux mœurs
et à la richesse radicalement différentes (croyances,
cellule familiale, propreté, rapport à la mort...etc).
Jeux interdits est autant un drame qu'un documentaire
sociologique, et on aurait tort de l'oublier.
Et puis bien sûr il y a cette musique, inoubliable, immortelle
: sèche, "simple", obsédante. Et ces
deux très jeunes acteurs exceptionnels de naturel.
Jeux interdits est un chef-d'œuvre de
sensibilité et d'intelligence, l'un des plus grands films
du cinéma français, et qui ne peut manquer de
nous bouleverser. Mais on a également tendance à
oublier combien ce film peut être drôle, comme pour
laisser une petite place au rire, ingrédient essentiel
à la vie, comme pour contrebalancer le sinistre sujet
de l'œuvre : la mort.
