Les combats ont tué des milliers de soldats au Vietnam
: deux vétérans ont poursuivi leur route, chacun
de leur côté. Pour l'un d'entre eux, ce sera de
mater dans le sang une révolte contre l'ambassade américaine
à Sanaa (aux causes vaporeuses) ; pour l'autre se faire
l'avocat du diable et enquêter pour disculpabiliser son
ami et frère d'armes. Ou comment une riposte démesurée
peut déstabiliser des soldats de métier.
S. L. Jackson, T. L. Jones et B. Kingsley et une mise en scène
punchie. Voilà qui était prometteur. La suite
le sera beaucoup moins ; on va même verser dans l'abjection
cinématographique...
Le scénario peine à se lancer, à construire
une intrigue convaincante tournant autour de la-dite riposte
: car il n'y a absolument aucune ambiguïté dans
l'exposé de la situation. Le coupable est tout désigné
et la conjoncture claire comme de l'eau de roche ; surtout que
le film se plait à souligner, à ce moment, la
gravité et l'inhumanité du sort des victimes.
Puis l'histoire avance. Cependant le scénario ne travaille
jamais au corps la psychologie du soldat incriminé -pas
assez-, ses traumas passés, qui pourraient, non pas le
disculper, mais le rendre "non responsable de ses actes".
L'enfer du devoir pousse alors la réflexion
du côté de la justice militaire : le massacre d'innocents
désarmés, la vengeance, inutile et déplacée,
de la mort de soldats sur le champ de bataille,..etc. Mais c'est
lorsque le scénario nous emmène au tribunal que
tout bascule, pour le pire.
Le spectateur est à ce moment plus au fait que le tribunal
militaire lui-même (le soldat est traumatisé et
a effectivement assassiné des innocents : avec le Vietnam
comme excuse...), haut lieu représentant de cette justice
qui peut commettre des erreurs, faute de pouvoir prouver le
contraire. On aurait pu être en présence d'une
oeuvre -fortement maladroite, jamais cynique et terriblement
mal assumée- sur la difficulté d'être objectif
lors d'un procès, la possibilité de voir des erreurs
de jugement se glisser dans les délibérés
ou, encore, sur ces grandes institutions essayant de masquer
certaines horribles vérités. Mais non : le but
est ici clairement de justifier l'injustifiable, et de la pire
des façons !
L'enfer du devoir devient alors un film hautement
malhonnête dans son propos (la falsification des preuves,
le rôle de l'ambassadeur...), néo-colonialiste
dans l'âme, défendant ouvertement le droit américain
à tuer librement sur ses chasses gardées.
L'issue du procès crée un abominable malaise chez
le spectateur, résonnant jusque dans ce titre qui semble
plaindre les 3 soldats morts dans l'exercice de leur fonction,
plus que les plus de 80 civils non-américains oubliés
par un scénario riefenstahlien ou notre héros
(Jones) ne tique plus devant le sang versé ni l'absence
totale de morale (tout va bien : ils vont pouvoir aller pêcher
librement !). La gerbe absolue...