Un film éblouissant qui va bien au-delà de sa
violence graphique aussi bien dosée que jouissive : Beat
Takeshi redonne vie à la saga mythique des Zatoichi
(26 épisodes !).
Le masseur aveugle, expert dans le maniement du sabre, va aider
la population locale contre un gang de raquetteurs. Scénario
ultra basique et extrêmement classique, tissant sa toile
depuis les westerns américains jusqu'aux films de gangsters,
en passant par les séries TV. Cependant Zatoichi
est traversé de plusieurs intrigues, laissant quelque
peu la principale sur le côté pour se concentrer
sur de multiples personnages, haut en couleur, qui fonctionnent
très bien en parallèle.
C'est ensuite le compromis idéal entre l'hommage sincère
et modernisme, puisque l'on retrouve tout l'esprit du cinéma
de genre japonais : des couleurs pâles et grisâtres,
des décors évocateurs, beaucoup de pluie, de la
musique respectueuse et des thèmes bien rodés.
Le Zatoichi originel vous explose à
la figure, on se sent vite embarqué dans un univers à
part, plein de ronin, de samouraï errants, de vengeance
aveugle, de débordements sanguinolents, jamais exempt
de surprises ; le thème principal restant, à mon
sens, le travestissement, celui du corps, celui de l'âme...
les personnages n'étant jamais vraiment ce qu'il paraissent.
Et puis il y a Kitano qui, revisitant un passé sans nostalgie
aucune mais avec respect, apportent une solide dose d'humour
local, construit, varié et irrésistible (le fou
qui court, l'apprentissage du combat avec des bâtons...),
qui trouve son point d'orgue en un final qui passe de la comédie
musicale en une conclusion à l'ironie mordante et morale.
Il rend hommage dans un quasi noir et blanc où les giclettes
de sang rougeâtre explosent sur l'écran (même
si les effets numériques ont vieilli...), au travers
de séquences de combats éloquentes, impressionnantes
et sèches, au service d'une histoire de vengeance ; de
David contre Goliath.
Et le plus beau c'est que le film a été couronné
à Venise : la réalisation du maître, peut-être
ce qu'il a fait de mieux à ce jour, toujours, me semble-t-il,
plus à l'aise dans les films mouvementés (Cf.
Violent cop) : il parvient à sublimer
-au milieu d'une bonne dose d'extrême violence- un simple
parapluie, jouer avec de la musique hors champs ou faire d'une
scène de danse une parabole sur la renaissance d'un être
; chaque plan est un régal pour les yeux, et il faudrait
savoir s'y arrêter dessus, leur assemblage subtile en
fait une merveille, au-delà du simple regard.
Oui, il serait vraiment dommage de s'arrêter aux magnifiques
effusions de sang...