La nuit du 21 septembre 1945, je suis mort...
Images sublimissimes pour une œuvre à la délicatesse
intense. Sans concession. Le tombeau des lucioles
s'impose déjà comme le plus grand film d'animation
de tous les temps. Il nous raconte la guerre des adultes (les
terribles bombardements américains à Kobé,
sur des civils) vue par le regard d'enfants jetés sur
les routes. On cotoie avec Seita et Setsuko la mort -omniprésente-,
la violence immodérée et sang, la destruction,
l'extrême misère et toutes les bassesses du comportement
humain. Le film est extrêmement dur, presque insupportable
parfois. J'en veux pour preuve l'une des dernières scènes,
dont la froideur résonne avec les rires d'enfants et
cette mélopée dont on ne sait trop si elle est
nostalgique, mortuaire ou tout simplement triste...
Cinglant et impitoyable, le film parait cependant techniquement
très simple, avec des graphismes qui délivrent
une certaine douceur, les couleurs étant délavées
; ce qui ne les empêchent nullement d'être extraordinaires
ces images, cette simplicité devenant soudainement leur
raison d'être. De même la composition musicale permet
de mettre un peu de distance avec l'horreur ambiante.
Le tombeau des lucioles est une oeuvre sur
les liens et cet amour fraternel indéfectible, tout autant
qu'à propos de la survie, de l'isolement, états
en rien naturel chez deux enfants : où comment ils tentent
de survivre à la guerre, loin des leurs ; deux enfants
qui ne sont pas à leur place, deux enfants emmenés
par le téméraire Seita qui fera mine de pouvoir
prendre en charge sa petite soeur jusque dans les situations
les plus critiques. Œuvre magique et magistrale, à
la sensibilité exacerbée, à fleur de peau,
d'une justesse incroyable quant à décrire le monde
innocent de l'enfance, douce inconscience faite de petits bonheurs.
Il suffit de repérer les mimiques de Setsuko, des larmes
aux rires pour que le sujet fusse parfaitement cerné.
C'est aussi un véritable choc émotionnel de chaque
instant, chacun accompagné de ces fameuses lucioles,
signe d'un espoir, comme une lumière éphémère
et fragile (Setsuko en écrase d'ailleurs une inconsciemment)
qui s'éteint avec l'arrivée du jour. Comme ces
petites âmes annoncées par le début du métrage.
La fin n'est pas larmoyante mais il est proprement impossible
de ne pas y succomber... L'une des premières images de
l'histoire prend alors tout son sens, la mélodie finale
vous emporte à jamais et on se rend compte combien le
choix dans le montage du film prend toute son importance. Toujours
la même émotion intense, la même force ravageuse.
Les mêmes larmes impossibles à retenir.