Pourquoi et comment un film qui s'attache moins à l'action
et à l'intrigue qu'aux personnages a-t-il autant fonctionné
auprès de spectateurs souvent plus penchés vers
l'action ? Et bien... je ne sais pas !
Mais ce que je sais, c'est que les dialogues aux petits oignons
n'y sont pas pour rien, un vrai délice pour les oreilles,
d'autant plus qu'il est de plus en plus rare qu'un scénariste
cuisine aussi bien cette aspect de son oeuvre. Et puis il y
a la réalisation aérienne de Ritchie qui, une
fois n'est pas coutume, délaisse ses films post-Snatch
soporifiques au possible pour se lancer dans un projet qui a
de la gueule. Peut-être, également, que la vision
victorienne de Londres, loin de l'idéalisation d'un certain
cinéma (par ailleurs esthétiquement merveilleux),
n'y est pas pour rien : sâle, sordide, crue, "en
construction", presque fade ; merci Mr Rousselot !
Mais je crois que c'est avant tout le plaisir partagé
qui fait de ce film un succès : le plaisir que l'on ressent
à voir R. Downey camper un Sherlock (il est brillant
cet acteur !) que la longue introduction nous permet de redécouvrir
; lunatique, à côté de ses pompes, presque
scientifique, génial déducteur à la personnalité
ambigu, adepte du close combat... Mettez à ses côtés
un Watson plus vrai que nature (il est génial ce Jude
Law !), et vous obtenez presque un buddy movie victorien ! Tout
pour les personnages, vous dis-je ! Même Ritchie se permet
de rire de ses propres frasques en retournant littérallement
sa caméra face à une caisse où il y est
marqué : "Up" !!!
Bon, mais ce n'est pas tout ça, il y a aussi le scénario...
attrayant, remettant au goût du jour les sociétés
secrètes et la démonologie... un pitch qui fait
forcément rêver le spectateur... et pourtant au
final son aspect trop limpide (une fois l'intrigue expliquée,
la magie se perd... forcément), trop poussif (une radio-commande
au 19ème siècle ?!?), sa conclusion décevante
(pourquoi ne pas avoir laissé une touche de fantastique
pour dynamiter la fin ?) et ses implications franchement moyennes
(spoiler : tuer les membres non dévoués
du parlement pour prendre les rènes... oui, et après
?).
Mais on ne peut pas dénigrer un film qui fouille autant
ses personnages, offre un visuel aussi original et garde le
spectateur éveillé grâce à un réalisateur
qui se re-découvre ; du plaisir, tout simplement du plaisir.