Kubrick et la guerre : de ces Sentiers de la gloire
à Full metal jacket, en passant par
Barry Lindon et Docteur Folamour.
On pourrait sans aucun doute y ajouter la guérilla urbaine
décrite dans Orange mécanique
et la révolte de Spartacus. L'oeuvre
d'une vie pour en démontrer toute la bêtise.
Cette ironique gloire se construit au rythme militaire de ces
gradés qui décident de la vie et de la mort de
leur soldats, les considérant comme de la vulgaire chair
à canon, des pions impersonnels que l'on bouge de même
qu'un simple jeu, reniant leur existence même, leur humanité.
Ces sentiers sont ceux qui nous dirigent vers une charge en
règle contre ces donneurs d'ordre sans âme que
Kubrick n'hésite pas à accuser d'assassins : meurtriers
en tant que supérieur vis à vis de leurs soldats
et au vue de leurs décisions inconsidérées
et légères, meurtriers en tant que soldats près
à, non seulement faire tuer, mais aller jusqu'à
tuer leurs frères d'arme sur le champ de bataille ; et,
enfin, meurtriers puisque grands accusateurs après la
bataille (jugée ratée), débouchant sur
une innommable peine de mort sélective... Ces couards
qui restent à l'abri derrière leurs mots et leurs
décisions.
Choquant, Kubrick montre l'indécence indéboulonnable
d'une armée vexée de ses défaites face
à l'ennemi, prenant des décisions aberrantes et
proprement abjectes. L'horreur décrite dans le déshonneur
de toute une nation, au travers de scènes d'une force
phénoménale et infinie. Ironique, grinçant
de bout en bout, jusqu'à cette fabuleuse séquence
où Dax, incompris, refuse une promotion honteuse et abjecte.
Jusqu'en ce chant final aux consonnances sublimement germaniques...
jusqu'aux larmes.
Il y a dans ce film un impressionnant foisonnement de la mise
en scène, une infinie variété de choix
chaque fois judicieux (les travelings arrière / avant
dans les tranchées sont renversants), permettant déjà
aux spectateurs de l'époque (1957 - interdit en France
et seulement sorti en... 1975 !) d'être immergés
avec ces soldats. Kubrick pose ainsi les jalons d'une future
oeuvre ébouriffante et géniale.
Ou l'art de faire surgir de ces magnifiques images toute l'absurdité
et l'horreur de la guerre.