We're the people.
Des paysans expropriés violemment, forcés à
abandonner tous leurs biens et leurs terres à des propriétaires
manipulés par des sociétés mercantiles
et anonymes, elles-mêmes dirigées par des banques,
elles mêmes tenus par un autre patron. Dans un cercle
sans fin dominé par le dieu dollar. Dans les années
30. Déjà. Le monde des petits travailleurs spolié
par un système qui les écrase littéralement
: la lutte pour le travail va débuter et, le sait-on
aujourd'hui, ne cessera jamais.
La grande dépression américaine vu par le génie
de Ford qui réalise ici son plus bel ouvrage en adaptant
le chef-d'oeuvre de J. Steinbeck : sombre, violent, expressif
et pas loin d'être expressionniste, d'une terrible beauté,
bouleversant et intelligent de bout en bout. Dirigé grâce
à de petits mouvements de caméra à la finesse
et à la précision redoutable, servis par des décors
extraordinaires et palpables, des dialogues bénis, des
images qui imprègnent la rétine (la tempête,
la voiture surchargée, les camps...etc) pour une oeuvre
touchante, épaisse, marquante et au plus près
de son sujet. D'une force toujours aussi remarquable.
Les raisins de la colère souligne de
la plus douloureuse et brillante des manières la misère
humaine et permet d'une façon exceptionnelle de se souvenir
de ces gens, affamés, jetés sur les routes, mourants,
parqués dans des camps, traités comme du bétail,
de pauvres êtres à qui l'on ôte jusqu'à
leur dignité. Un triste constat de la condition humaine
se frottant à la haine de l'autre, celui qui, plus riche,
plus heureux, protège son travail, son bonheur, jalousement
et dans la haine : ni plus ni moins l'histoire de simples migrants
-et qu'importe leur origine- que l'Amérique d'aujourd'hui
se devrait de ne pas oublier... Pas plus qu'elle n'a le droit
d'oublier tout ces travailleurs exploités pour le seul
bien-être d'une infime poignée de gens plus riches
qu'eux. Car, 80 ans plus tard, rien n'a changé !
Ce qui transpire dans cette oeuvre c'est cette tendresse immodérée
pour l'espèce humaine, l'immense compassion pour la misère
et la bienveillance envers cet autre qui pourrait très
bien être, demain ou un autre jour, tout simplement soi-même.
Une leçon d'humanité, de générosité
dont on a réellement besoin en cette aube du 21ème
siècle.
Les raisins de la colère est clairement
un oeuvre socialiste dans sa définition première
(recherche d'une société plus juste économiquement
et socialement), pleine d'espoir pour le futur, tant que celui-ci
se recentre sur l'essentiel, sur l'altruisme, tant qu'un état
providence joue les arbitres et se substitue à l'essentiel,
à ce qui est nécessaire à la survie de
tout un chacun pour vivre décemment (le dernier camp
en restera la symbolique forte). Les raisins de la colère
demeure un vibrant appel à l'unité du
genre humain, à la lutte, aux luttes contre l'injustice,
au retour à la propriété des biens par
ceux qui les produisent.
Il est même aujourd'hui une phrase qui résonnera
étrangement : "Partout où un flic frappera
un gars, je serais là". Un simple appel à
la justice...
Le plus grand des chef-d'oeuvres humanistes.