Comment plus de 12 millions de spectateurs ont-ils pu trouver
un quelconque intérêt à la vision de Qu'est-ce
qu'on a fait au Bon Dieu (en faisant abstraction de
l'appréciation de l'humour, propre à la sensibilité
et à la cinéphilie de chacun...) ??? Se pourrait-il
que 12 millions de français se soit soudainement aperçus
que parmi les 66 millions de leurs compatriotes bon nombre n'étaient
pas des blancs cathos (athées) ? Réponse toute
personnelle en fin de critique... Si le film dépasse
rapidement son pitch, il ne prendra jamais à corps sa
thématique : le racisme ambiant, sournois, pernicieux,
sous-jacent, parfois déguisé et loin du tristement
fameux "bleu marine". Car on espérait que le
scénario secouerait fortement le cocotier de la bêtise
humaine en nous proposant quelque chose de grinçant,
d'acide qui mettrait à mal cette plaie antique et non
pas une succession de ces clichés habituels plus arriérés
les uns que les autres. Car on espérait une oeuvre qui
se lance de plein fouet à la découverte pluri-culturelle,
ethnique et religieuse de la France du 21ème siècle
pour faire comprendre au peuple français (tout du moins
et je l'espère à une partie de ce peuple...) que
les mécanismes des a priori racistes sont bâtis
sur du vent, des préjugés antédiluviens
qui n'ont plus lieu d'être. J'espérais que le film
nous apprenne à mieux nous connaître : j'espérais
ne pas assister à un concours de superficialité
doublé d'un petit jeu vite lassant qui consiste à
deviner les gags avant que ceux-ci n'arrivent... Jusqu'à
la toute fin du film. Le film poussant même la beauferie
jusqu'à la reprise molle du titre par C. Lauby... Triste.
Pourtant avec l'introduction de la famille africaine le scénario
semblait vouloir décoler : et oui, les noirs sont également
plein de préjugés... Alors, malgré la réalisation
guère relevée, ce n'est pas un vrai navet, simplement
une comédie à pseudo vocation sociale qui s'avère
être absolument translucide, sans âme et sans goût,
sans l'ombre d'une perspicacité, d'une sagacité
; un appel mou du genou et maladroit à la tolérance
qui semble n'être que dans le compromis, visant un public
bien précis (d'où mon inquiétude...) afin
de ne pas choquer celui-là. Inquiet ? Oui : ce film -qui
je le rappelle a réalisé 12 millions d'entrées-
a semble-t-il été fabriqué pour cette vieille
France qui n'a jamais cotoyé un beur, un feuj, un kainfri
ou un noiche qu'à travers le journal TV. Car ce film
ressemble à s'y méprendre à un reportage
de France 3 sur une famille "qui sort du lot". Ici
on ne parle même plus de différences profondes,
trop stressant pour un spectateur lambda mal à l'aise
devant l'évidence, mais plutôt de couleur et de
simple "titre" (religion). Un film inquiétant
puisqu'ayant des décennies de retard sur notre belle
société... Je lui préfèrerais même
la vision de Mohammed Dubois...