"Et nous luttons, ainsi, à contre-courant, refoulé
sans fin vers notre passé". F.S. Fitzgerald
De la difficulté pour moi de faire la critique d'un
film de Rémi Bezançon... Je l'ai interviewé
deux fois et c'est quelqu'un que j'ai en haute estime ; à
chaque nouveau film je me dit qu'il finira par se prendre les
pieds dans le tapis et que je devrait pointer du doigt les défauts
de son oeuvre... Mais heureusement ce n'est pas encore pour
aujourd'hui !
Nos futurs suit un homme, modèle de
réussite sociale, mais qui semble s'ennuyer dans sa vie,
en tous les cas ne pas prendre la vie à bras le corps.
Pourquoi ? C'est tout l'enjeu du film. C'est également
l'histoire de deux "meilleurs potes" qui se retrouvent
et tente de renouer avec leur passé adolescent ; mais
l'oeuvre va tellement plus loin que Les
gamins. Car sous ses aspects véritablement
drôlatique (la griffe Halin ??) et hyper légers,
le film est en fait d'une profondeur rare. Derrière ces
réferences et clins d'oeil au cinéma (Star wars,
Arizona dream, Easy rider et tant d'autres disséminé
ça et là) ce n'est pas un pauvre film nostalgique
mais l'histoire d'un homme qui croit s'être perdu en route,
sur le chemin de la vie, croit qu'il a oublié qui il
était, ses rêves d'adolescent ; il comprendra que
ceux-ci sont en fait ce qui l'empêche d'avancer, ses chaînes.
Alors il se redécouvre au gré d'un voyage, il
court après un temps qui a disparu, un passé fantômatique
qui lui permet sans doute de s'éloigner de l'idée
de la mort (amener par le personnage de la mère). A-t-il
simplement oublié ses rêves pour rentrer dans le
rang ? Le film est plus complexe que cela et va vraiment plus
loin : sans spoiler une fin somptueuse qui enfonce définitivement
le clou, garder en tête la sublime citation (marque de
fabrique de Rémi !) de Fitzgerald que l'on découvre
au tout début, car ce triste personnage de départ
n'a pas enterré son passé, fait son deuil afin
d'avancer sereinement (et avoir des enfants ?). Sous des aspects
qui peuvent passer pour de la maladresse le film garde le cap,
laisse sur le côté une morale éculée
afin de nous surprendre avec ses personnages profondément
attachants, notamment l'éternel ado campé par
P. Marmaï (chambre squatte, petits boulots, célibat,
vieilles habitudes...).
Comme d'habitude les personnages et les situations sonnent avec
une justesse peu commune (la scène du dîner entre
ami où les difficultés du couple se mettent à
jour est exceptionnelle). On y retrouve également la
véritable saveur de nos enfances. Le film interroge aussi
la notion bien vague de "réussite" (l'argent
ou la famille ?), les différents chemins que la vie nous
amène à emprunter (Nos futurs). Fragile, certe,
mais le film est d'une maladresse contenue et tient en une réussite
presque miraculeuse.
Sortir cette merveille en plein mois de juillet est une erreur
marketing grave...