Le souvenir impérissable d'une séance de cinéma
unique : des lumières qui se rallument sur une salle
unanimement en pleurs...
Ce chef-d'œuvre d'utilité public jouit d'un travail
photographique éblouissant entre noir, blanc et couleur
; noirs profonds, blancs lumineux, couleurs rares.
On sera d'emblée marqué par ses dialogues justes,
sa composition musicale d'exception et sa scénarisation
en douceur qui permet au film de conserver son réalisme,
son intensité, sans verser dans le mélodrame surécrit
et mal approprié. C'est non sans une violence réaliste,
incontrôlable et sans filtres, et sans un humour pinçant
que La liste de Schindler s'impose comme un
véritable cri. Une oeuvre sincère, puissante,
qui nous met face à l'une des plus infâme réalité
de l'histoire ou quand l'espèce humaine traite ses semblables,
ses frères, comme du simple bétail.
Spielberg étudie son passé, celui du peuple juif
mais, au-delà d'un nouveau témoignage sur la Shoah,
il s'attache à regarder la guerre du côté
des "ennemis", au travers d'un héros ambigu,
adhérant au parti nazi, aimant de trop les femmes et
l'argent, profiteur de guerre qui ira jusqu'à payer la
liberté et surtout la vie d'êtres humains. Poussé
par son témoignage de cette folie meurtrière qui
s'empare de tout un peuple et poussé à faire son
devoir de citoyen du monde, d'homme tout simplement.
A la compassion de cet homme répond le fanatisme du commandant,
fidèle et immonde nazi, représentation du Mal
incarné malgré son attirance quasi amoureuse pour
une juive. Il représente très clairement beaucoup
plus le symbole fort d'un régime sans exception qu'une
caricature idéologique il est la représentation
ultime d'une haine aveugle, hideuse et sans limites aucune.
Le film traite avec une justesse incomparable de la montée
en puissance et en ignominie de l'antisémitisme, La
liste de Schindler est une œuvre immersive qui
prend son temps et ne nous épargne rien, une œuvre
aux scènes qui nous imprégnent longuement (la
petite fille en rouge, l'allemand transformé en sniper,
la pluie de cendre...). Et, évidemment la partie dans
les camps, dont la cruauté n'a nul égal, permet
de prendre conscience, au-delà de chiffres choquants,
de l'ampleur de cette folie.
Ce film ouvre bien évidemment le champ des possibles
: se souvenir et tirer les conséquences de ces horreurs,
se souvenir du passé, des passés : n'omettons
surtout pas d'oublier aucune des abominations commises par cette
soit disante humanité, depuis l'esclavage jusqu'aux horreurs
des diverses régimes à travers toute la planète,
puisque personne n'a le monopole de l'ignominie... Mais surtout,
plus qu'une mémoire événementielle, il
nous incite à lutter encore aujourd'hui, et demain, pour
que plus jamais cela n'advienne... Pourtant le sort actuel des
Royinghas, des Ouïghours, des Peuls, des Yéménites,
des chrétiens du Nigéria et de tant d'autres,
jusqu'à la situation des palestiniens en Israël
(sic !), me laisse perplexe quant à la capacité
qu'à l'humanité à apprendre, apprendre
de ses erreurs et de celle des autres... Ne nous incombe-t-il
pas d'éteindre ces dangereux foyers de haine ?
"Quiconque sauve une vie, sauve le monde entier" :
les ultimes images sont d'une intensité sans pareil.