"Un homme a tué... Enfermé, assiégé
dans une chambre, il évoque les circonstances qui ont
fait de lui un meurtrier." Ainsi débute Le
jour se lève.
Un coup de feu et nous assisterons à l'un des premiers
films en flashback de l'histoire.
Film de studio à l'empreinte inimitable, ce chef-d'oeuvre
poético-dramatique jouit d'une qualité visuelle
incomparable et d'un cadre unique. Entre les petites maisons
pavillonnaires d'alors, décors évoquant une France
ouvrière, et cet imposant immeuble qui se dresse, telle
la scène du drame qui se joue : une scène de crime,
un spectacle mortuaire où tout parait joué d'avance,
où l'on semble attendre cette dernière séquence-titre,
quand le réveil résonnera tragiquement dans un
rayon de soleil annonçant la mort...
Filmé dans un noir et blanc feutré, agrémenté
de plans léchés, de magnifiques jeux de lumière
et, surtout, de miroir, ces derniers représentant l'introspection,
ce regard qui témoigne froidement et sans bruit de sa
propre et inéluctable existence, de ses choix inconsidérés
; miroir qui finira par être brisé comme s'il pouvait
constituer à lui seul un témoin, le reflet d'un
passé douloureux. A cela s'ajoute une caméra qui
colle au plus près de ses pauvres protagonistes, avec
cette lecture des scènes que d'aucun considèrerons
-moi le premier !- comme étant exceptionnelle, renversante
parfois, dirigé par celui qui reste l'un de nos plus
importants cinéastes.
François n'est ni plus ni moins que le héros de
notre quotidien, nous touchant ainsi au plus profond, se tuant
littéralement au travail, enfant de l'assistance publique
que la découverte de l'amour entraînera dans une
spirale criminelle, des choix passionnels. Un Monsieur tout
le monde qui a commis l'irréparable et attend son châtiment
en se remémorant, comme pour soulager sa conscience ou
trouver une faille à son récit. Nous donner simplement
son témoignage..
Le jour se lève est une oeuvre qui évoque
le destin à travers cette histoire d'amour originale,
complexe et définitivement torturée, à
la tournure renversante, histoire d'amour fou et de cette jalousie
inhérente à l'homme ; entre rires et larmes, amour
et rage, passion et déraison. Le tout appuyé par
les dialogues cultissimes de J. Prévert ("C'est
pas très grand, mais c'est tout petit quand même",
"C'est fini le tandem, je reprends mes pédales"...etc).
Le jour se lève fait partie de ses
films que l'on emporte avec nous longtemps après la vision,
imaginant l'avenir des personnages... rêvant de ce bonheur
intouchable, improbable.
Gabin s'impose, Jacqueline Laurent est à croquer (avec
son petit d'air d'Amélie Poulain... à moins que
ce ne soit le contraire) et Jules Berry est sublimement détestable.