L'histoire d'un homme irrascible, profondément raciste,
qui a tout perdu et qui semble ne plus faire parti de ce monde,
ne trouve plus de respect nulle part. Un homme finalement traumatisé
par les horreurs d'une guerre abominable, cherchant des responsables
à sa misère, à sa haine.
Voici le film de l'Amérique post-Bush, le film d'un pays,
d'un homme, d'un personnage qui apprent à tourner la
page, qui apprent à évoluer et à s'humaniser,
à regarder ses erreurs et à soigner sa violence
maladive. Gran Torino crache sur ce passéisme
attardé, sur ce nationalisme hideux et irréfléchi.
D'où le titre du film : la vieille Gran Torino étant
le symbole flamboyant d'un passé idéalisé.
C'est une oeuvre clairement universelle : il vous suffit de
remplacer les coréens, les Hmong, par les algériens,
et on pourrait faire une oeuvre absolument identique en France.
C'est tout autant une étude précise du racisme
qui ronge les USA encore aujourd'hui : entre voisins, entre
communautés, entre gangs ; renvoyant tout le monde dos
à dos face à l'universalité de la bétise
humaine. Une belle leçon de vie sur le respect mutuel,
respect inhérent à cet apprentissage à
connaître ses voisins, ses gens différents aux
traditions autres, à dépasser les préjugés
et les idées toutes faites. Ironie du sort, le déclic
viendra d'une toute jeune fille asiatique ! Jusqu'en sa fin
sacrificielle et héroïque en forme de catharsis
non violente.
Gran Torino est une oeuvre un tantinet sage
du côté de la réalisation mais efficace,
demeurant un film à la fois extrêmement drôle
-aux rires à la fois tendus et permettant de créer
une atmosphère "respirable"- et embarrassant
pour le spectateur (ririons-nous autant si les blagues et remarques
racistes du vieux était adressées à notre
propre communauté ?). Sans aucun doute le film d'un réalisateur
qui a compris la leçon donné il y a quelques années
par un certains Lenny Bruce : "Je répèterais
le mot "nègre" aussi souvent qu'il le faudra,
jusqu'à que celui-ci soit vidé de son sens et
que jamais plus un petit enfant ne pleure en l'entendant dans
une cour d'école".
Un superbe coup de poing, très sensible et d'une puissance
incommensurable, véritable appel à la non-violence
et sans doute l'un des tout meilleurs films sur le sujet.