La première remarque que je ferais à propos de
ce film sera sur le ton employé (le script était-il
explicite ? Le jeu -brillant- des acteurs entre-t-il en jeu
?), loin des standards "hollywoodiens" où toutes
réactions semblent prévisibles, ou chaque phrase
parait surfaite ; ici rien de tout celà. Un ton vraiment
particulier, très personnel, où une seule et même
phrase peut apporter à la fois le rire et l'émotion,
où le film bascule en plein dialogue ; un ton juste,
tout simplement.
La seconde remarque sera à propos du sujet du film ;
je ne parle pas de la toile de fond (le film policier, l'enlèvement
d'une enfant à une mère toxico et vulgaire). Je
parle de ce qui est induit par les deux twists d'un naturel
déconcertant, somptueusement amenés. Je parle
d'un film qui en cache en fait 3 et dont le sujet tourne autour
des choix. Car Gone baby gone nous met au pied
du mur en bien des situations, nous force intelligemment à
regarder dans deux directions inverses et pas seulement dans
celle qui nous parait instinctivement la plus juste, celle dans
laquelle tout film un rien consensuel ce serait vautré.
Un film qui nous amène à peser le pour et le contre,
à ouvrir les yeux et voir plus loin que le bout de notre
nez sur les choix dramatiques imposés aux personnages
; il nous met face aux choix que tout homme effectue tant de
fois dans sa vie d'homme et face aux conséquences ambigües
que tout choix implique : il n'y a pas de bon ou de mauvais
sentiers, il y a du bon et du mauvais dans chacun d'entre eux,
et il faut savoir peser le "pour" et le "contre"
et voir de quel côté la balance penchera. Mais
elle ne penchera que très peu.
Le premier segment nous présente le choix d'une famille
entre la voix légale d'une enquète policière
et la voix parallèle d'une autre effectuée par
un détective ; et de ses conséquences. Le second
segment évoque le choix que le personnage a eu entre
vengeance et justice, le choix qu'il a fait et qu'il parait
être le seul à regretter (Qu'auriez-vous fait à
sa place ? La justice répond-elle toujours à nos
questions ? Une société civilisée peut-elle
accepter les vendetta ?). Troisième segment et twist
final : un choix cornélien s'impose au personnage, celui
de la raison ou celui du coeur ; même conséquences,
mais pour sa propre vie (Où est le véritable bonheur
: dans le coeur de sa mère ou dans l'amour d'un inconnu
?).
Mais il s'agit également d'un film policier qui n'aura
de cesse de vous surprendre, un polar sur le monde de l'enfance
face à la violence de celui des adultes (enlèvements,
viol, meurtres, drogues...) : ce monde qui construira ou détruira
ce même enfant. Il est devenu trop rare de voir ce type
d'écriture au cinéma, cette liberté de
ton, cette liberté tout court, loin des fables moralisatrices
qui étouffent le spectateurs sous de faux bons sentiments
(vous n'aurez sans doute pas le même regard sur cette
mère au début du film et en sa toute fin).
Une oeuvre qui doit plaire à un certain Brian Singer...
entre génies...