New York, la bien aimée de Scorsese. Epaulé cette
fois par un D. D. Lewis, à la filmo très sélective
et d'une richesse prodigieuse ; et Leo Di Caprio qui deviendra
le nouveau "double" de Martie, en lieu et place de
Bob De Niro.
D'une bagarre entre gangs proprement homérique, où
la neige vire au rouge, filmée avec la fougue usuelle,
la rage pimpante et un génie émergant au bout
de chaque plan, découle un film qui a marqué nombre
d'esprits. Dont le mien.
Le thème central de toute l'oeuvre de Martin Scorsese
traverse une nouvelle fois Gangs of New York,
puisque fait entièrement de violence : le Boucher et
sa "viande" étant le symbole de celle-ci. Mais
c'est également la violence sous-jacente de la guerre
de Sécession, le terreau sanguinolent et typiquement
américaine, le sang de la révolte : à ce
titre la dernière scène est aussi sublime que
ravageuse. Mais également la violence d'une autre guerre,
de territoire et de pouvoir celle-ci, dans la mégapole
à venir, ici encore à l'état embryonnaire
puisque nous sommes en 1846 ; la violence d'une vengeance filiale.
Et puis il y a cette violence amorale, personnifiée par
la haine raciste de ce leader hideux et tout à la fois
séduisant, son nationalisme exacerbé. Car c'est
clairement une oeuvre sur la haine raciale, celle dont a sans
doute souffert l'auteur : haine dirigée contre les noirs,
les irlandais, puis contre les italiens, puis contre les japonais,
les mexicains, les arabes...etc. Une haine qui se transporte,
puis s'oublie pour passer, telle un relai, vers une nouvelle
cible, une nouvelle victime. Avant un nouvel oubli. Cercle infini
de bétise humaine.
C'est également une belle page d'histoire qui se réécrit
devant nos yeux : notamment celle de ces migrants irlandais
qui débarquaient dans la future Grande Pomme et étaient
illico enrôlés pour la guerre de Sécession.
L'histoire d'une ville qui semble avoir été batti
dans le sang et la corruption. On y découvre la montée
d'un sentiment politique, les coups bas (on enterre des voix,
pas des hommes...), des magouilles politiciennes inhérentes
et celle d'une première division.
A la photographie volontairement terne, brune, bleue pâle,
jaunâtre, aux rares élans chatoyants, se plie un
scénario qui est un pur plaisir à suivre, balisé
de personnages puissants ; celui du Boucher n'étant pas
des moindres : son charisme faisant illico un effet éblouissant.
Une histoire divinement balisée on l'on retrouve un chef
suprême, charismatique, et un jeune qui grimpe les échelons,
partager entre le pouvoir et la vengeance. Et l'amour.
Un monument du 7ème art.