L'univers de Fincher en quelques images : une photographie
tour à tour brune, sépia, puis grise, puis nappée
de sombre ; une identité visuelle marquée pour
chacune des scènes. Une caméra qui regarde très
peu le ciel et, lorsqu'elle le regarde, celui-ci se montre gris
ou infime. Une mise en scène à la précision
méthodique, envoûtante, précise jusque dans
le moindre détails. Des décors qui jouent autant
leur rôle que les acteurs eux-mêmes.
Et puis il y a le fabuleux pitch ! Cette formidable idée
d'un jeu personnalisé, adapté à chacun,
un escape game grandeur nature et sans limite aucune qui va
virer au cauchemar. Prodigieusement intriguant le film est non
seulement audacieux mais il pose constamment la question qui
permet à l'intrigue de ne jamais se relâcher, de
nous laisser sur le qui-vive : où se situe la part de
jeu et de réalité ? Qui fait partie du jeu ? Et
on se surprend à imaginer D. Fincher effectuer une incroyable
mise en abîme du 7ème art en imaginant son spectateur
(Douglas et nous-même) complètement pris dans la
partie.
Les qualités du film ne s'arrêtent d'ailleurs pas
en si bon chemin : M. Douglas campe un homme riche, arrogant,
solitaire et au passé traumatique (dont le frère
encombrant se trouve être un élément essentiel).
Et tout l'enjeu du film se concentrera finalement sur cette
dernière caractéristique : la fin se transformera
en une puissance catharsis où l'homme retrouvera sa sérénité
en enterrant définitivement ce passé qui le hantait
et l'empêchait de vivre pleinement son existence en dehors
de son métier. On pourrait également y voir la
métaphore de l'homme riche jouant avec / de son argent
et perdant tout ce qui fait de lui un être influent.
The game est un thriller à l'état
pur, élaboré et complètement original,
construit comme un sombre jeu de piste diabolique et au scénario
machiavélique, où l'étau se resserre autour
de sa victime, virant au mauvais délire et mettant à
jour une "arnaque" XXL. C'est une oeuvre tendue de
bout en bout qui ne résiste cependant pas à toutes
les épreuves, vacillant sur la fin pour cause de crédibilité
toute relative (le hasard, les tests de personnalité
et la diégèse justifieront le reste..). Ou quand
les tiroirs scénaristiques s'ouvrent trop facilement.