Archétype du film sur l'adolescence où Nicolas
Ray s'impose par petites touches : cet âge ingrat incarné
par ces jeunes mal dans leur peau, mal dans leur famille et
pas seulement à la recherche de sensations fortes et
d'interdits à briser. Des hommes en devenir cherchant
à s'affirmer de la pire des façons pour palier
aux manquements divers de leur famille.
Depuis La fureur de vivre les oeuvres de Larry
Clark sont passées par là : le film, les caractères
ont quand même beaucoup vieilli, la société
ayant fait un pas de géant, se métamorphosant,
se découvrant d'autres problématiques (la guerre
du Vietnam, la crise pétrolière, le chômage,
la pauvreté de masse...etc). Désuet jusque dans
sa présentation de la violence, il faut voir ce film
avec un regard presque historique, en tous les cas sociologique,
pour ne pas dire anthropologique : ces rebelles ne sont pas
les victimes de la pauvreté, d'une société
en crise ou de traumas édifiants (pas toujours), leur
petits malheurs risquent même de nous paraître tellement
doux comparés à d'autres... Seul Platon semble
réellement intemporel : l'absence de parents pèse
tellement plus lourd que ce père faible (Jim palie à
ce manque par sa force, sa violence, son inconscience) ou cet
autre insensible (celui de Judy, qui rejette ses baisers quelque
peu enfantins). Cette jeunesse des années 50 (ce sont
quand même les "Golden years" ! ) semble plus
égoïste, ou plutôt plus inconsciente de son
sort plutôt enviable : sans doute n'était-elle
pas encore envahie par les images incessantes des horreurs diffusées
sur des chaînes d'infos ? Reste des scènes mémorables
qui permettent à l'oeuvre de gagner ses galons : je pense
surtout à celle où Jim étrangle ce père
dans un espèce élan semi-Oedipien.
Dernière chose essentielle : je trouve grandement important
le regard que pose La fureur de vivre sur cette
jeunesse, pour le coup universelle, qui déjà se
battait au couteau telle que le feront après eux les
blousons noirs (60's), les punks (70's), les zonards (80's)
ou les racailles de notre époque. Non : ce n'était
mieux avant...