Deux points importants pour la critique de ce film. Le premier se pose sous forme de question : un remake peut-il être une oeuvre d'art ? La réponse est absolument affirmative : la démarche artistico-commercial de l'auteur -et Haneke est un véritable auteur, que d'aucun appellerait même "chiant"- donne une véritable légitimité à ce remake puisque le réalisateur a souhaité donné toutes les chances à son film, le montrer au maximum de spectateurs (faire un film intelligent destiné à un public plus large : j'appelle cela de l'ambition...), en réalisant une oeuvre américaine de nationalité, avec des "stars" internationales, mais en ne se compromettant pas artistiquement puisque ce remake est, plan pour plan, le même que l'original.
Le second point tient au film lui-même. Un thriller analytique qui prend un malin plaisir à effacer nos repères de spectateurs assoupis en transgressant les codes mis en place dans ce genre O combien conventionnel et galvaudé par le tout Hollywood, pour ne pas dire franchement convenu. Le lancement du film n'a rien d'une introduction classique, on pourrait même croire qu'il a déjà débuté lorsque l'on arrive, les personnages ne dialoguent pas, ils parlent, ils réagissent aux situations avec un réalisme qui pourrait presque paraitre déplacé. Pour une fois les méchants de l'histoire sont propres sur eux, jeunes bourgeois vétus de blanc immaculé, extrêmement polis, gentils, serviables et fort souriant ; on les croirait sortis d'un film de Larry Clark. Leur but ? Torturé psychologiquement une famille riche et heureuse, sans histoire. L'histoire pourrait paraître banale si le traitement ne ressemblait en rien à ce que l'on voit habituellement sur un écran de cinéma : pas d'effet superflu (notamment dans la présentation des personnages, comme on l'a vu, où par une introduction choque et inutile, artificiellement destinée à rappeler aux spectateurs amnésiques de quel type de film il s'agit), de musique (il n'y en a pas dans la vraie vie, n'est-ce pas ?), de réalisation (Haneke soigne son film à hauteur d'homme, sans grandiloquence ou mouvement de caméra artificiel... ; la caméra n'offre qu'un simple témoignage quasi documentaire). Et la violence, qui a pour but premier d'être gratuite, le deviendra d'autant plus qu'elle n'est plus là pour divertir le spectateur dans un spectacle organisé, rodé et quelque part un peu faux. Ce film n'use que de pure psychologie et rejette tout effet de voyeurisme mettant le spectateur en état de supériorité par rapport aux victimes : la scène du meurtre est hors champ, le cadavre est filmé de loin, mais la scène durera presque 5 minutes ; 5 minutes où l'on offre la douleur silencieuse, abasourdie des victimes, cette douleur qui n'a que rarement droit de citer au cinéma. Douleur tellement étouffée que le premier geste post-traumatique sera de faire taire cette télévision, ces images abrutissantes et ce bruit totalement déplacé... Et puis le film est réellement sans pitié pour ses victimes, comme on ose plus le faire de nos jours : pas d'échappatoire possible, pas d'espoir (la télécommmande viendra régler le "problème" quand la victime parviendra à ouvrir une porte de sortie...), les personnages peinent jusqu'à l'agonie.
Pas un film d'horreur : un thriller.