Une première séquence mythique qui contribuera
à faire de ce film l'archétype même du film
de guerre moderne.
Une deuxième séquence, en travelling arrière,
au verbe relevé, qui contribuera à faire de ce
film... etc.
Ce génial sergent est resté ancré dans
toutes les mémoires ("Sir, yes sir !"), et
il me fait toujours littéralement hurler de rire, boursouflé
de phrases cultes qu'il est, phrases qui soulignent l'aversion
absolue que ressent Kubrick pour la guerre. Certains chants
sont à la fois hilarants et très lourds de sens
quant à l'entreprise de formatage qu'est l'armée
(Extraits : "Ca c'est mon flingue, ça c'est mon
dard" ou encore "Moi les filles j'en suis pas dingue
; Ma seule amie c'est mon flingue"). Broyeuse d'êtres
humains, lobotomisante, violente, inhumaine, oeuvrant selon
la loi du plus fort (transformée en ici en véritable
harcèlement), fabriquant de la chair à canon prêt
à accepter la mort comme un simple ordre, les transformant
en tueurs avides, pas très loin de la folie. Avec les
conséquences que l'on sait. Et pourtant on sent qu'au
final se sera d'une certaine façon nécessaire...
pour faire face à la folie humaine !
Full metal jacket est maîtrisé
à la perfection : la première partie est carrée
comme une parade militaire, aidée de belles images pour
contrebalancer la violence du propos. Et c'est encore dans la
forme que l'intelligence du film nous explose au visage : Avez-vous
remarqué que le seul à parler -déblatérer-
durant 35 mn est le sergent (quasiment), aucun dialogues en
provenance des soldats, simples corps fait de chair et de sang,
que des réponses en guise d'expression, des phrases purement
et simplement techniques ou militaires ; et une voix off. Pas
l'ombre d'une réponse libre, d'un échange... humain.
Fin de la première partie.
Sur le terrain. Toujours d'une grande beauté formelle,
la richesse de la grammaire cinématographique de Kubrick,
son expressivité formelle est d'une grandeur extrême
(la beauté de ses travellings), plus apocalyptique mais
tout aussi contrôlée. Il expose cette fois toute
l'horreur de la guerre : depuis le vocable officiel jusqu'aux
exactions inqualifiables, bassesses de l'espèce humaine,
jusqu'en un final sublime et en forme de symbole soulignant
avec justesse l'absurdité de la situation ; et le faisant
avec une puissance incommensurable. Avec en aparté un
véritable regard sur la presse, à propos de l'acte
de guerre. Sans doute moins fascinante que la première
moitié du film elle ne reste pas moins probante et d'une
grande violence. La longue et dernière scène vous
marquera à jamais.
Une œuvre épouvantablement violente, où D'onofrio
est proprement génial, et où le maître explore
encore ces thèmes fétiches avec la même
richesse, la même finesse, la même habileté
et la même magnificence.