Un film fort et fortement utile à un moment donné de l'histoire humaine et, plus particulièrement, américaine. Mais pas la perle à laquelle je m'attendais...
Moore s'en prend avec une vigueur rare à la famille Bush, il est plus vindicatif que jamais, traîne le clan dans la boue rouge et la poussière (argent sale, négociations parallèles, secrètes et odieuses, liens politiques douteux, excès antidémocratiques, haute bourgeoisie pourrie par le pétrole...) ; qui l'en blâmerait. Sauf qu'à vouloir en faire trop... il en fait trop ! On lui a imputé les erreurs à propos des avions quittant le sol US après le 11 septembre (une erreur de date semble-t-il...), il accuse l'administration Bush de n'avoir pas anticipée les attentats mais occulte les véritables documents (il en pleut tous les jours au FBI et à la CIA, personne ne peut se targuer avec certitude de pouvoir empêcher des terroristes d'agir...) et, pour finir, fait le point sur 7 malheureuses minutes d'attente de G. W. Bush qui me semblent aussi pertinente qu'un absurde chronométrage et ne permettent qu'un judicieux effet de montage sur le travail du chef de l'Etat. Bref, si la présentation au monde entier des affairistes Bush est passionnante, les liens avec le 11/9 faisant froid dans le dos, Moore en rajoute là où il n'y a rien à dire. Dommage.
Mais ce qui me semble devoir le moins rester dans son docu choc c'est son discours sur la guerre : c'est terrible mais il ne nous apprend strictement rien sur cette chienne ! Comment on trouve une excellente raison de la faire (la main-mise sur un endroit stratégique, tous les bénéfices que l'on va en tirer), on dissimule ces mêmes raisons derrière un mûr de nationalisme et de vengeance (guerre anti-terroriste, libération d'un pays sous le joug d'une véritable dictature), on l'a fait vite et mal (les atrocités commises ne surprendront que ceux qui n'ont jamais ouvert un livre d'histoire...), on l'a fini et on assume plus ou moins les conséquences (Moins : les gamins qui sont morts pour rien ; Plus : les entreprises qui vont pouvoir aller se faire du fric). Ce n'est pas mal en soit de le montrer, de le répéter (le film est sorti pour faire chuter Bush Jr... rater) mais j'ai simplement l'impression qu'on pourrait faire un million de film comme celui-là ; peut-être mon côté pésimiste quant à son utilité face à la bétise humaine...
Plus grinçante est l'analyse du début sur les liens de la famille Bush, famille "pétrolifère", avec les Emirats Arabes Unis, les liens complexes qui se nouent entre les différentes personnes, les différentes parties, que l'on retrouvent à un moment ou à un autre, de façon honteusement opportuniste, sur la même route que cette famille. Et les entraves qu'ils occasionnent (à la justice, après le 9/11)... Plus agressive est la fin, le discours sur le monde des riches (qui n'envoit pas ses fils à la guerre) qui utilise les pauvres pour s'enrichir, garantir leur bien-être, les dominer encore plus ; plus "fort" est le discours sur l'utilité sociale de la guerre... pour sauvegarder la paix et la richesse des plus aisés...
Un film utile qui avait pour but d'éveiller les consciences, qui le fait remarquablement bien ; mais comment vieillira-t-il ?
On est en droit de préférer "Bowling for Columbine" à la problématique plus aiguisée, plus organisée et plus subtile. Au fait, je relance le débat, comme après chaque film de Moore : qui fera le même genre de reportage en France sur les histoires entre l'Elysée et les dictatures africaines ? Les mêmes horreurs perpétrées par le gouvernement français il n'y a pas si longtemps que cela ? Ou tout simplement sur les graves dérives antidémocratiques que l'on passe sous silence actuellement (29/4/5).