Enfant 44 pointe du doigt
une abominable dictature par le biais d'une caractéristique
méconnue autant que symptomatique : "Il n'y a pas
de meurtre au Paradis". La négation de tout meurtre
(métamorphosé officiellement en "accident")
par un régime qui veut créer un reflet sociétal
absolument parfait, exemplaire pour son peuple et les peuples
du monde ; un jeu de cache-cache de la vérité
et d'endoctrinement orchestré où il ne peut exister
qu'une seule violence, la violence étatique. Mais le
film est un beau jeu de mensonges : celui qui permet, ou pas,
de grimper les échelons en devant le yes man de sa hiérarchie,
celui qui permet de fermer les yeux pour être intégré,
celui plus pervers qui se veut délétaire et servir
le régime (où son propre avancement) ; l'URSS
était une société entièrement construite
sur des mythes. C'est enfin un drôle de parcours croisé,
une histoire d'enfants devenus orphelins par la faute de leur
"maître" mais dont la réaction sera diamétralement
opposée. Enfant 44 est un thriller glacial,
froid comme la glace de Sibérie et le vent des steppes,
au scénario complexe qui se recoupe intelligemment, servi
par un T. Hardy dont je n'aurai cesse de vanter les mérites
(ici son rôle reste ambigu, et il excelle à jouer
ce genre de personnage) ; il se situe esthétiquement
au-dessus de la moyenne et s'avère être une oeuvre
soignée de bout en bout. Peut-être perd-il de son
étoffe à force d'avancer, lorsque tout est mis
en place. Le Gorki Park des années 2000.