Une série de tableaux en accord avec la vie de ce journaliste…
Marcello. Des tableaux quasiment irracontables mais qui savent vous
maintenir dans un état second ; ils parlent de la vie, ila parlent
à nos sentiments et à nos sens, nos teux et nos oreilles
constituant un lien direct entre le métrage et notre cœur,
notre esprit. A mi-chemin entre réel et onirisme, à l’image
de cette fontaine qui cesse soudainement de couler, de ces étranges
ballons qui suivent le clown-trompettiste, de cette femme possédée,
et ce, jusque dans la structure, l’argumentation ou les faits.
Le récit est évenementiel: l’actrice s’amuse,
puis fuit les siens, écoute des chiens hurler, se perd dans Rome,
trouve un chat, se baigne dans une fontaine…etc, il est à
la fois crédible et non-sensique. Les émotions se suivent
et se chevauchent : le père retrouve son fils, il s’amuse,
boit et rigole, il prend un malaise et s’en va subitement. L’œuvre
est complètement « atmosphérique », disons
plutôt POETIQUE, pour être plus juste, mais toujours si
réaliste (cet ami vu « 3 ou 4 fois » qui joue un
air funêbre et sublime dans une église, invite chez lui
ses amis artistes et excentriques, semble adorer ses enfants…
les tuent et se suicide… Entre le drame et le road movie, une
sorte d’état d’âme de 3 heures qui trompe vos
sens pour mieux saisir votre émotion. D’ailleurs il y a
cette foule de personnages, à peine esquissés et d’autant
plus étranges, intéressants et pathétiques : des
danseurs antonymiques, une prostituée et son appart’ toujours
rempli d’eau, un fils de riche cherchant des fantômes avec
un chandelier sur la tête –l’humour à fleur
de peau-, l’homo ayany l’air « normal », les
transexuel dont on se moque, le clown émouvant, les membres d’une
famille à problème, des enfants voyant La Madonne…
et des dizaines d’autres. Je n’aurais envie, à la
vision de ce chef-d’œuvre magnifique, que de parler d’impression
(mais ne dit-on pas impressionner la pellicule ?) et d’images
ncongrue, burlesques, grotesques et belles. Oui, je n’aurais qu’une
envie : disserter à l’infini sur un artiste très
intériorisé, trsè personnel, ayant sa propre vision
du monde. Je voudrais écrire 20, 100, 1000 fois plus de lignes
sur cette œuvre entièrement baroque qui n’est qu’errance
et fluidité spatiale (très « beat »), où
le flou rend les choses plus nets, d’où l’on ressort
bouleversé, ayant eu l’impression d ‘avoir vu des
choses qui n’existent peut-être pas, des choses que l’on
ne peut décrire, des choses illisibles renfermant les plus grand
secret de l’âme humaine et qu’un seul homme un seul
a pourtant su rendre regardable, un instant, un court instant ; des
émotions irracontables, des impressions que l’on a parfois
qu’en rêve, des images que l’on aimerait décrire
alors que l’on se rend compte que l’on manque de vocabulaire,
qu’il est restrictif, inexact, à mille lieues d’une
réalisté sensible. La réalité pauvre des
mots contre celle, incommensurablement plus riche, de l’esprit.
Oui, Fellini est le seul et le premier à nous livrer cette intimité
troublante, à nous offrir un voyage au cœur de son âme…
Cela peut faire peur ou bien enchanter, mais quiconque se questionnant
sur lui-même, écoutera ses choses de l’âme
et choisira bien son camps.
Mais le scénario du maitre ne s’arrète pas à
cette abstraction de la réalité, il va encore plus loin.
Par-delà les images il traine dans la boue les croyants catholiques
et les incrédules, il calomnie le puissants journalistes ; il
transforme cet ami de l’église, cet home donnant l’impression
d’une sagese cléricale, en père infanticide ; il
alterne cérémonie impie, spiritisme et habille une actrice
sexy de l’habit de prètre ; il utilise deux enfants moqueurs
comme des personnages illuminés de foi, pouvant voir la vierge
à tout bout de champ et sans rendez-vous, rassemblant autour
d’eux de milliers de fidèles abrutis et aveuglés,
des paralytiques pitoyables, des moutons suivant avec passion ce qui
n’est qu’un jeu médiatique et rentable : un pauvre
arbre innocent en fera les frais… un homme également. Et
au plus fort de cette séquence, les journalistes, déjà
fortement égratignés, qui se plaisent à photographier
tout et n’importe quoi, vont filmer l’événement
comme une fiction ; à la fin c’est le drame : quelqu’un
s’est fait piétiné. Les gens pleurent, sont effondrés,
un journaliste fait même un signe de croix… avant de prendre
une superbe photo du macchabée ! Par-delà leur aspect
puéril et ridicule trimballé tout au long du film, c’est
également leur monstruosité inconsciente qui est mise
en valeur dasn la séquence où ils photographient la femme
avant l’annonce de la mort de toute sa famille ; ils guettent
la moindre larmes, lui demandent de prendre des poses. Tout comme pour
les parents des deux enfants illuminés (ils promettent un cigare
au grand-père pour qu’il se mette à genou et prie
face aux appareils…). Le monde des acteurs en prend également
pour son grade (le salop d’américain, l’actrice qui
descend deux fois les escaliers pour les photos mais refuse d’ôter
ses lunettes noires. Une belle galerie de gens dous, durs et dingues…
si proche de ce que l’on connaît. A méditer.
N’oublions pas la réalisation fantasmagorique qui est pour
beaucoup dans l’aspect onirique de l’œuvre ? Précise,
irréelle et toute en subtilités. N’oublions pas
la photo soignée, d’un noir et blanc froid et collant tout
à fait à l’atmosphère interiorisée
de l’œuvre. Nous sommes à l’intérieur
de la tête de l’artiste. N’oublions pas Nino Rota,
discret, invisible et des plus présent. N’oublions pas
les acteurs formidables en eux-même et formidablement dirigés.
N’oublions pas les décorateurs.
Une page c’est peu pour louer tant de talents… en fait ce
sont tous ces mots qui leur sont dédiés : chacun d’eux
à une part de ce prodigieux résultat et, si leur travail
est totalement imbriqué dans ces généralités,
c’est qu’ils sont tous parvenus à s’effacer
au profit de l’œuvre. Ils ont su faire de ce film autre chose
que du cinéma où chaque mouvement semble satisfaire l’égo
des techniciens, le jeux des acteurs nos attentes, les nuances de la
photo nos yeux, les beaux accords nos oreilles…etc Ce film ne
semble pas sortir d’un appareil de projection mais de notre propre
cerveau… C’est peut-être cela un chef-d’œuvre
: des gens qui s’effacent devant l’impression toute puissante,
l’image-réalité, l’image spirituelle, l’image
rêvée.