Le corps ou l'esprit. L'histoire de Jésus,
avant tout un homme, doutant et refusant d'être l'envoyé
de Dieu. Puis apprenant à devenir le Messie.
Prendre des distances avec les Evangiles n'est pas un problème
en soit : le récit a plusieurs sources et a été
réécrit maintes fois, il se prête suffisamment
à des réinterprétations. Dire du prophète
qu'il n'était qu'un homme, avec ses tentations de chair,
n'est que justice.
Non : par contre nous présenter un Jésus eurasien,
blond, aux yeux clairs, me dérange beaucoup plus, de
même que le côté parfois très vaporeux
du film qui aligne les scènes, bavardes, dissertant de
façon différente des grands thèmes des
religions monothéistes (les péchés, les
doutes, la mort, le pardon, ...etc).
Parfaitement croyant, mais non chrétien, je le trouve
assez délirentiel -bien que l'on s'y retrouve dans les
grandes lignes-, cinématographiquement besogneux et aux
dialogues perchés. Derrière son respect d'un prophète
rebelle à l'ordre établi, infiniment bon pour
le genre humain, se cache une oeuvre tortueuse. C'est également
une manière originale de narrer un récit que l'on
ne connaît que trop bien, quitte à bouleverser
chronologie, histoire, et dévoiler l'histoire derrière
l'histoire. Entre provocation et incongruité, La
dernière tentation du Christ est un projet somme
toute étrange, dérangeant (une scène en
particulier, fantasmogorique mais dans le ton de l'oeuvre),
fantasque, parfois très opaque au regard de ses miracles
inopportuns et de sa tonalité générale
; la dernière demi-heure peut faire débat avec
cette supposition d'un Christ sauvé par Dieu et mourant
de sa belle mort, peut-être très "islamique"
? Mais ne s'avèrant être qu'un simple fantasme
démoniaque... C'est donc un produit d'évangiles
apocryphes -si puis est que l'auteur en soit capable ?- et sa
mise en image est à l'avenant, trop sage, souvent coincée
par un récit erratique qui ne peut satisfaire ni les
chrétiens, ni les autres croyants, ni les athées.