Dead man est une oeuvre profonde et totalement
en apesanteur sur une confrontation civilisationnelle, en mode
western, et sur le style inimitable de Jim Jarmusch : les scènes
progressent au gré des dialogues, drôles, une série
de tableaux dans un N&B suave, joliment grisâtre et
lumineux où des personnages hors norme s'y invitent de
façon remarquable, séquences à la musique
électrisante, obsédante, inoubliable ; en grande
partie responsable de ce chef d'œuvre (le génie
de N. Young en quelques notes).
Le film détourne habilement les codes du genre : le héros
au nom célèbre, les vérités métaphoriques
indiennes totalement abscons, les chasseurs de primes (dont
un Kid black), le riche proprio au visage de R. Mitchum, les
diverses rencontres sanglantes, la difficile conquête
de l'Ouest, des gunfights hasardeux, l'importance du tabac (dans
la vie de Jarmusch !). Et un discours religieux plus analytique
que critique, doublé d'un réflexion sur la mort.
L'histoire d'un petit blanc urbain, bien propre sur lui, à
la recherche de la richesse, qui va plonger dans la sauvagerie
du Far West et, surtout, peu à peu se métamorphoser
en indien (quand on sait que Depp possède du sang comanche)
: comme si l'histoire du continent américain faisait
soudainement marche arrière... Un véritable trip
éveillé, mystique retour aux origines et à
la nature, à la lisière du fantastique.
Avec de jolis clin d'œil (l'Indien se nomme Personne) et
un casting de rêve.
Une œuvre qui a largement sa place parmi les plus grands
noms du genre, les westerns puissants dans leur classicisme
ou leur manière atypique d'aborder cet univers ; de La
flèche brisée au Trésor
de la Sierra Madre, en passant par La chevauchée
fantastique ou encore Rio Bravo.