Bande de filles où l'éternel
film sur la banlieue ? NON ! La seconde scène, après
la victoire, le retour dans la cité et son silence soudain
remplace bien des mots et nous fait comprendre le véritable
sujet du film : le patriarcat. C. Sciamma a été
très justement inspiré en ne stigmatisant pas
ses héroïnes : ce ne sont pas leurs origines qui
justifient leur état mais bel et bien cette cruelle absence
de père et ce milieu dur où les hommes ont plus
facilement tendances à s'affirmer par la force. Alors
c'est vrai que le film nous raconte sans doute ce que l'on sait
(30 ans de cité pour ma part...) : le quotidien de ces
gamines de banlieue, les insultes, les rixes, les brimades,
la pauvreté, l'échec scolaire, le racisme, le
sport, la glande, les amours difficiles, la petite et la grande
délinquance ; rien d'innovant. Mais ceci n'est finalement
qu'une toile de fond pour nous décrire autre chose :
le point de vue féminin sur un sujet toujours brûlant.
La difficile émancipation et le patriarcat -plus que
le machisme- d'une société abandonnée à
toutes formes de violence et où les grands frères
deviennent les substituts paternels, tout-puissant et abusant
de leur pouvoir, de leur force physique ; le fantasme d'une
autorité. Il y a une scène hautement symbolique
à ce propos : lorsque le grand frère a enfin un
peu de tendresse pour sa soeur, tout du moins un rien de reconnaissance,
lorsqu'elle revient victorieuse d'une bagarre, vengeant sa copine
; la reconnaissance dans la guerre. Les codes de la cité
prennent alors toute leur importance (la fille n'a pas les mêmes
droits, les relations codifiées entre garçons
et filles) et l'histoire de ces gamines finit par nous toucher,
prisonnières de leur statut de femme, quoiqu'elles fassent.
La réalisation y est minimaliste et brute, mais ne nous
y trompons pas : le dernier plan, aussi simple soit-il, en raconte
beaucoup plus qu'un long discours, de la rage qui anime ces
gosses pour poursuivre leur chemin de croix dans ce flou social,
et la difficulté d'être une femme dans une cité.
Un film courageux même si pas foncièrement original,
des actrices aussi belles que pudiques et brillantes.