D'une expressivité incomparable : la caméra de
Martie zoome et virevolte afin d'accompagner ses personnages,
les faire vivre au-delà de l'écran. Le tout agrémenté
d'un montage sec qui donne un vrai coup de speed au film. After
hours.
Un rendez-vous galant, deux mystérieuses femmes, une
virée nocturne et un climax absolument insensé
et unique. De ce rendez-vous raté émergent des
détails étranges, voir tout un récit aux
fragments qui se recoupent étonnement, des signes redondants
: le billet de 20$, les brûlures, la tête de mort,
la camionnette, les voleurs... Puis des cris, puis des voix.
Si le film s'avère si puissamment évocateur, parvenant
à nous perdre, c'est avant tout parce que les personnages
sont complètement décalés : Marcie est
une créature de la nuit, impalpable, difficile à
cerner, étrange, presque subliminale. Paul pourrait être
n'importe lequel d'entre nous : avec son métier lambda,
avec sa personnalité passe-partout, avec sa solitude.
Car je pense que After hours nous parle de
solitude : un homme qui rencontre une multitude d'individus
mais restera isolé, voir acculé, voyageur passif,
sans soutien, constamment dans la suspicion et le doute. Et
à côté d'eux on pourrait évoquer
la fourmillement de protagonistes qui vont tourner régulièrement
autour de notre héros déconfit, depuis le gentil
barman jusqu'à la jolie artiste, en passant par des voisins
accusateurs, un videur zélé, des cambrioleurs
récurrents et une vieille dame qui viendra boucler la
boucle de façon abyssale. Et tant d'autres que l'on se
plait à découvrir subrepticement.
Car ce film vous enveloppe comme la nuit, comme un rêve
cocasse et baroque qui se meut progressivement en un cauchemar
profond, de ceux où l'on se sent poursuivit sans ne pouvoir
pour autant avancer ; After hours nous transporte
au bout du voyage, au bout de la nuit, et nous fait tourner
la tête, recommencer sans cesse le même rêve
de façon indiscernable, s'enfoncer dans l'indéfini
et l'infini, tourner en rond dans un monde au symbolisme abscons.
Comme un disque rayé par endroits. Un film renversant
qui vous fait basculer dans la folie pure et sans sommeil, en
même temps que ce pauvre "héros".
Le tout enrobé d'une ritournelle dont seul H. Shore a
le secret.
Un must de cinéma à la lisière du fantastique,
cauchemardesque et paranoïaque.