Ce filmqui fête ses 90 ans et n'a toujours pas pris de
rides.
La toute première chose qui va assurément bluffer
les spectateurs d'aujourd'hui sera la réalisation ambitieuse,
méthodique et pensée de F. Lang ; de même
que la vue extraordinaire de jeux d'ombres éloquents,
de cadrages foudroyants, de transitions étudiées,
de mouvements de caméras que l'on pourrait croire improbables
à l'époque.
De même M. le maudit repose pour beaucoup
sur un astucieux montage en parallèle et au cordeau.
Il suffit de lire le pitch pour comprendre.
La police recherche un assassin d'enfants multirécidiviste.
De même est-il hâtivement traqué par les
criminels de la ville, gênés qu'ils sont aux entournures
par les raids réguliers de la police dans leurs petites
affaires. S'ensuit une double enquête menée par
deux frères ennemis sur un sujet dur et scabreux, débouchant
sur une une intense et passionnante course poursuite avec en
point d'orgue le coeur du sujet de l'oeuvre, à savoir
le thème de la justice, personnifié ici par un
tribunal populaire de brigands. M est très clairement
le Mal incarné, mû par une pulsion obscène
et meurtrière. Le film ose alors la question de la peine
de mort, de la plus fine des façons : coinçant
le spectateur entre l'horreur vécu par les victimes,
l'animalité des crimes, et l'irresponsabilité
du meurtrier, l'aspect criminel de ce qui reste une vengeance.
Sauf qu'en 1931, en Allemagne... l'avant-dernier plan, raide
comme la justice et au parallèlisme stoïque, ne
laisse aucun doute sur l'issue du procès.
Peter Lorre, tout en silence, excepté son signe distinctif
(ce sifflement de l'air de "Dans l'antre du roi de la montagne"
est obsédant), est prodigieux, jouant à merveille
de ses immenses yeux globuleux et de son regard halluciné.