Comme à l'accoutumée nous serons saisi par une
esthétisme irréprochable... Ce noir et blanc profond
et déjà troublant, ces plans définitivement
ingénieux : de la hauteur de caméra à son
angulation, en passant par les cadrages savamment pensés,
significativement composés, ou encore les mouvements
à l'intelligence rdoutable. Beau de A à Z.
Mais un film de Kubrick ne s'arrête pas à n'être
qu'une chef d'oeuvre visuel : on trouvera peut-être que
le scénario est un peu prompt à lancer son histoire
d'amour douteuse, cependant ce sera pour mieux recentrer tout
son intérêt, non pas sur le "love at first
sight", mais la relation anxiogène, toxique qui
va s'ensuivre. Et cela débouche sur un terrible jeu de
manipulation, d'ambiguïté, un jeu de séduction,
de mensonges odieux, de jalousie -jusqu'à la folie, où
Lolita devient un objet de passion & de passion amoureuse
; Kubrick poursuit son exploration de l'âme torturée
de l'espèce humaine. Il y a également tout une
impressionnante symbolique qui sera utilisée au gré
du métrage : des premières images dans le brouillard
jusqu'à la référence à l'existentialisme,
en passant par le tir sur le portrait de la jeune fille ou encore
la pièce de théâtre introduisant un satyre.
Sur le thème difficile et délicat de la pédophilie,
Kubrick s'en tire haut la main, traitant le sujet comme une
étude clinique, le disséquant à la fois
avec beaucoup de finesse, de profondeur et de pudeur.
Mason est imbibé de son rôle. S. Lyon est d'une
justesse incroyable : vénéneuse, légère,
manipulatrice, faussement fragile, objet des pires fantasmes.
Terriblement belle. P. Sellers est absolument fabuleux en transformiste,
penchant soit-disant moral (du flic au psychiatre) et plus léger
de l'histoire, mais finissant par sombrer pour mieux souligner
le défaitisme de l'auteur / des auteurs.