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Interview

Julien ABRAHAM (réalisateur / co-scénariste) et Kamel GUEMRA (Co-scénariste) viennent nous parler en back-to-back de Made in China

Le grand public ne vous connaît pas forcément (et il a tort !), pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

(J. Abraham) Auteur réalisateur de cinéma, je commence ma carrière par un documentaire sur un tour du monde des musiques pour lequel je filme des musiciens engagés dans douze pays sur une période d’un an. En 2011 sort mon premier film de fiction, La Cité Rose, histoire d’un enfant touché par une balle perdue dans une cité. Ce film reste aujourd’hui une référence pour les jeunes des « quartiers populaires ». Je vais ensuite enchaîner avec le tournage de Made in China.

(K. Guemra) Kamel Guemra, scénariste, chanteur de Raï-N'B, informaticien. J'aime les lasagnes et les Ghribias (C'est un petit gâteau algérien mais ne croyez pas les espagnols qui l'appellent Montecaos et disent que c'est eux qui l'ont inventé... C'est ma grand-mère qui l'a inventé, je le sais, j'étais là).

 

Le scénario a été co-écrit (F. Chau, K. Guemra et J. Abraham) ; il y a déjà beaucoup de mixité derrière la caméra : C'est un sacré ++ quand un film évoque le sujet, non ?

(J. A.) Oui j’ai aimé travailler à trois. Les expériences et les origines des scénaristes pèsent lourd dans ce scénario.

(K. G.) Oui.

 

Mais travailler à plusieurs mains, ce n'est pas compliqué ?

(J. A.) Non ce n’est pas compliqué. Il faut beaucoup communiquer et se faire confiance.

(K. G.) Non. (J'aime les réponses courtes)...Et Plus sérieusement, une co-écriture c'est une affaire d'affinités électives. Si il y a de la bienveillance et de l'humilité alors la collaboration se passe bien (on a tous des idées bien pourries à délivrer à un moment ou à un autre, faut se soutenir les uns les autres). Dès qu'il y a un concours d'égo, qu'on chercher à savoir qui a la paternité de quoi, vous trouvez les complications. J'ai pratiqué des sports collectifs et des sports individuels. J'ai adoré les deux. Donc j'aime me dépenser en solo autant que j'aime être au service du collectif

 

Quelle est la plus grande qualité de J. Abraham / K. Guemra ?

(J. A.) K.Guemra est un grand professionnel, qui est très fort en comédie et qui rédige plus vite que son ombre !

(K. G.) Son implication et son écoute ! Julien a su intégrer l'équipe et s'approprier l'histoire. Il ne s'est pas contenté de la mettre en scène, il a prise à coeur. Je pense que le sujet devait entrer en résonance avec son cinéma. Pour moi, c'est un réalisateur qui sait respecter les différences et les mettre en valeur avec bienveillance. C'était primordial pour ce film.

 

Est-ce que Made in China fait partie de cette vague de comédies "communautaires" (je n'aime pas le terme, mais...) telles que Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu, Jusqu'ici tout va bien, Le brio, voir Rabbi Jacob?

(J. A.) Je ne sais pas mais j’adore Rabbi Jacob…

(K. G.) Alors je n'ai vu aucun de ces films à part Rabbi Jacob que j'ai vu 47 fois, je crois. Là vous venez juste de citer mon idole française en matière de comédie, Gérard Oury. L'intelligence et la générosité au service de l'humour ou l'inverse, c'est selon. Donc non ça ne ressemble pas à Rabbi Jacob qui relève du génie. Et très sérieusement, si un jour j'arrive juste au petit orteil de Oury, je serai comblé.



En quoi Made in China se différencie-t-il de ces comédies ?

(K. G.) Voir plus haut... Je n'en sais rien, je ne les ai pas vu. Je pense que le film se différencie de facto par sa singularité. Je ne connais pas beaucoup de films qui mettent en lumière les asiatiques de France. La sincérité du film repose entièrement sur la déclaration d'Amour que Frédéric a voulu faire à la communauté asiatique de France. Si il y avait un parallèle à faire, il serait plutôt avec La cage dorée ou Bienvenue chez les Ch'tis. Et encore, ça ne résumerait en rien le film qui une fois partie de l'expérience unique de Fred devient à son tour unique. C'est tout l'intérêt des films personnels. Quant à son genre, oui, c'est de la comédie. Nous avions des choses à dire et le ton qui nous allait le mieux, était celui de l'humour et de la tendresse. Vous comprendrez en voyant le film.

 

Justement : vous n'avez pas peur que la sortie, à quelques mois de celle du Bon Dieu (également avec M. Sadoun & F. Chau), nuise au film ?

(J. A.) On ne choisit pas la date de sortie, nous avons tourné avant eux et on sort après. Je ne suis pas en mesure de savoir si cela a une incidence sur notre film qui raconte surtout une communauté absente du cinéma selon moi.

(K. G.) Les équipes de marketing et de distribution travaillent depuis des mois pour sortir le film au mieux. La collusion avec Le bon dieu... a dû être mûrement pesée, je suppose. De toute façon, quoi que fassent Frédéric et Mehdi, on leur rappellera Le bon dieu... qui a été un succès populaire. Je ne peux pas parler pour le public. Je ne sais pas avec quelle idée ils rentreront dans la salle, je sais avec quelle idée j'ai envie qu'ils en sortent. :).

 

Faire rire est-il la meilleure manière de faire passer au plus grand nombre un message de tolérance ?

(J. A.) Non il n’y a pas de meilleure manière. Tout mon cinéma est à portée sociale et je ne fais pas que des comédies.

(K. G.) Mon passif penche pour Oui. Mais Amistad ou La liste de Schindler, ça met une bonne leçon aussi... .

 

Le cinéma français n'est-il pas un peu sectaire : les acteurs issus des minorités ont rarement le premier rôle et encore plus rarement un rôle qui se détache de certains clichés ?

(J. A.) Je préfère laisser Fredéric répondre à cette question.

(K. G.) A nous d'écrire ces rôles. Fin du débat. Bisous.

 


C'est important à vos yeux qu'un auteur de cinéma prenne position et véhicule un message ?

(J. A.) Oui et c’est à l’origine de mon envie de faire du cinéma.

(K. G.) Non, je m'en fous complètement. Je n'impose à personne ses envies de cinéma. J'en ai bien trop et de très différentes pour prendre la posture d'un juge du bon goût artistique. Que tout le monde s'éclate et fasse un bon film, c'est tout ce qui compte. Parler d'un pneu, du réchauffement climatique, de la parité homme / femme ou d'un serial killer, exprimez vous, amusez vous, soyez léger ou en colère, cryptique ou populaire, ironique ou premier degré, faites ce que vous voulez, faites "votre" film et faites le bien.

 

Vos 2 producteurs (F. Genetet-Morel & S. Karim) avaient-ils un droit de regard sur le scénario ? Comment s'est passée la collaboration ?

(J. A.) Bien sûr, le producteur est notre premier lecteur. Tout c'est très bien déroulé, ils sont passionnés, c’était leur premier film, alors je vous laisse imaginer leur bonheur.

(K. G.) Je vais faire le fayot de service, j'ai adoré bosser avec eux. Ils le savent. "Un droit de regard" ça s'appelle le développement, tout simplement. C'est être accompagné. Ici, on a été soutenu, encouragé et le principal, respecté ! Nous avions des craintes, il y a un curseur, un ton à trouver, des "mauvais rires" à éviter, nous avons veillé au grain. Florian m'appelait le gardien du Temple et c'était rien comparé à Frédéric qui n'aurait jamais rien laissé passer qui aille à l'encontre de son propos. Vous ajoutez à ça tout le respect que Julien Abraham peut apporter à ce type de film et vous comprendrez l'investissement de nos producteurs. Ils ont toujours été solidaires. Nous l'avons senti dès le début qu'on voulait faire le même film et qu'on ne nous emmènerait pas vers une direction qu'on ne souhaitait pas.

 

Sans vouloir causer "chiffres" : y-a-t'il beaucoup de scénaristes qui vivent de leur plume en France ?

(J. A.) De plus en plus, mais plus grâce aux séries je pense…

(K. G.) 12,7%, j'ai googlé.

 

Gagner un César ou faire 10 millions d'entrées : lequel serait plus important selon vous ?

(J. A.) Ni l’un, ni l’autre. Faire un bon film qui reste.

(K. G.) 10 millions d'entrées. Loin devant... Que la profession dise bravo t'as bien bossé, tiens un cale livre pour ta bibli, c'est sympa. Ca fait du bien à l'égo, mais honnêtement recevoir les retours des gens qui voient les films, qui se déplacent en salle, payent leurs soirées (babysitting compris), sont touchés, au point de vous en parler. Non, désolé, hein mais c'est pas comparable. (Voilà, se faire black lister par l'académie, ça c'est fait. Next...).

 

Quels sont les artistes avec qui vous rêvez de travailler ?

(J. A.) Forest Whitaker

(K. G.) Ma mère.